Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

11 h 14 : une merveille de polar par Glendon Swarthout

Grand auteur de western, de Homesman, Une gâchette, Ceux de Cordura, Glendon Swarthout (1918-1992) a publié 11 h 14 (Skeletons) en 1979. D'abord sorti à La Série Noire en 1980 sous le titre Ré-percussions, Gallmeister a la judicieuse idée de le rééditer cet hiver sans toucher à la traduction. Judicieuse idée, parce que Glendon Swarthout s'adonne ici au polar, au roman policier et y prend un plaisir non dissimulé. Avec une plume décalée, très drôle, se moquant même parfois des codes du polar, citant Hamett ou Ross McDonald. Dans 11 h 14, on est en 1977 et Tyler, une riche trentenaire de New-York, persuade son ex-mari Jimmy Butters de partir à la recherche de celui qui lui a justement piqué sa femme ! Convaincu de pouvoir ainsi la séduire à nouveau, ce romancier jeunesse, très chic, très dandy, file donc au Nouveau-Mexique, à Harding, où le mari a disparu en menant une enquête sur deux vieux procès datant de 1916, dans lesquels les deux grands-pères de Tyler se sont opposés. Charles Vaught comme procureur à deux reprises et Buell Wood, d'abord comme accusé d'un triple meurtre pour venger sa femme morte, puis comme avocat d'un quartet de peones de la bande à Pancho Villa. Etrange histoire familiale. Arrivé en Rolls Royce et chaussures Gucci, Jimmy Butters va fouiner l'air de rien. Mais il va déranger. Dans cette petite ville, il y a des secrets lourds. Et des trafics de migrants mexicains.
11 h 14 est littéralement jubilatoire, loin de l'ambiance étouffante par exemple de Homesman. Le personnage de Jimmy Butters est une vraie trouvaille, sorte de Mister Mode chez les ploucs en santiags. "Mon ensemble y était peut-être pour quelque chose : une veste croisée Halston - en daim synthétique ultrasuede - sur un maillot de soie à pois couleur rouille, avec un foulard jaune autour du cou, plus un pantalon évasé d'équitation en sergé beige de Cacharel sur des bottines en cuir de Florence acajou patiné. Une tenue peu protocolaire, sans doute, mais fort correcte pour un après-midi dans le Nouveau-Mexique rural..." Ce n'est pas nouveau de jouer ainsi le décalage mais Swarthout le fait avec une gourmandise et un talent uniques, sans verser dans la caricature ou le mépris. Il part ainsi dans des détails, des descriptions volontairement longues, techniques comme pour détourner le lecteur de l'action qu'il trépigne de lire. Il parle de ses fringues, de sa montre Pulsar, de la carrosserie de sa Rolls Silver Wraith (six cylindres en ligne !) mais il y a surtout une des plus belles scènes de flingages jamais écrites, lorsque Buell Wood pourchassent les meurtriers de sa femme dans une concession Ford de 1916 ! " Il a logé sa balle dans le boitier en laiton du générateur d'acétylène, installé à gauche du tableau de bord du coupé. Il s'agit d'un cylindre divisé en deux compartiments : celui du bas contient du carbure de calcium, celui du haut une réserve d'eau qui, en s'écoulant lentement sur le carbure, produit de l'acétylène. Au moyen de tubes rouges en caoutchouc, ce gaz est transporté vers les phares où, une fis les brûleurs allumés, il émet une lumière vacillante qui permet de conduire la nuit." Tout cela donc au milieu d'une belle fusillade à coups de Colt, scène qui s'étale avec grande classe sur six pages ! Mais 11 h 14 c'est aussi et surtout une vraie bonne histoire de justice expéditive, de vengeances recuites, de chantages, avec, omniprésente, cette frontière avec le Mexique. Le rythme est splendide, pimenté de personnages secondaires très forts (ah la mère de Tyler ou la vieille bibliothécaire) avec un final grandiloquent, macabre. Du bien bel ouvrage.

11 h 14 (Skeletons, trad. France-Marie Watkins), ed. Gallmeister, 329 pages, 9, 90 euros
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article