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The killer inside me

Littérature noire

Fin de siècle : les mégalodons font le ménage

"Finalement, t'as raison. Fais le ton bouquin. Après tout, un de plus un de moins." Sébastien Gendron aime mettre le bordel. Il aime flinguer tous azimuts, se moquer des riches, des cons, des prétentieux. Avec Fin de siècle, il imagine un monde de demain où les mégalodons - vous savez ces requins géants de la préhistoire ! - viennent mettre la panique dans les océans. La grosse panique. Sauf en Méditerranée : les milliardaires ont demandé le blocage de Madagascar et de Suez avec des herses énormes, tandis que des équipes de chasseurs débarrassaient mare nostrum du moindre aileron. Il faudrait pas que les puissants ne profitent pas de leurs yachts à 200 millions. N'empêche le trafic maritime n'existe plus avec ces monstres de 30 à 40 mètres. Plus de régates, plus de pétroliers. "Voilà où on en est en ce mois de juin 2022. La planète n'a jamais été aussi bleue. Depuis l'espace, on dirait que Poséidon y a récemment jeté un bloc de Canard WC..." Et sur la Côte d'Azur il y a d'abord cet horrible meurtre qui voit deux des meilleurs limiers azuréens se mettre sur l'affaire avec un black du FBI spécialement détaché. Au même moment, dans la mésosphère, un fils de magnat du bâtiment veut battre le record en chute libre de Baumgartner. Et puis il y a cet autre couple de bourgeois qui vole des oeuvre d'art pour les détourner et les revendre, couple qui, benoîtement, tente de retrouver un sens à sa vie. Tout ce beau monde va se mouvoir dans un monde en train de se fissurer, sur le point d'exploser. Il y a d'ailleurs de très étranges collisions d'espaces-temps, des apparitions impossibles.
Gendron s'amuse et le lecteur partage cette jubilation un peu cynique, gorgé d'humour noir. On passe par les fonds de pension qui entretiennent les herses, le rachat de Monaco par les Chinois, la vulgarité des ultra-riches... et au milieu de tout ça, les mégalodons, les super-prédateurs, qui, à force de se gaver, n'ont plus rien à manger, allégorie tout en dents aiguisées de notre monde néo-libéral. "Et puis il aperçut cette longue nageoire au-dessus des flots, comme un rappel de la fantastique réalité. Il l'observa aller et venir dans ce qui était désormais pour elle un désert alimentaire. La formule était bonne : le monde était devenu en quelques années et avec quelques milliers de ces monstres sortis du trou du cul de la préhistoire une fantastique réalité. " On va vers la rupture, le chaos et l'auteur nous y amène en se marrant. Ah cette scène de cinéma géant sur des fauteuils gonflants en Grèce ! Et le Prince Albert croqué comme un apéricube sur son yacht !
Un super moment de lecture. Et même un moment assez rare tellement Sébastien Gendron y va à fond. On retrouve un peu la verve, la gouaille qui avaient fait les grandes heures de La Série Noire. Alors "un bouquin de plus" ? Naaan. Top !

Fin de siècle, ed. La Série Noire, 230 pages, 19 euros
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