Littérature noire
9 Juin 2020
Place à la non fiction, chère aux éditions Marchialy dont le Tokyo Vice, par Jake Adelstein était un modèle du genre. Avec Du bleu dans la nuit, on va moins loin que le Japon puisque l'on reste du côté de la Charente. Le 10 février 2004, la petite Mona Lisa (Fanny dans la vraie vie), neuf ans, est kidnappée à Jarnac, pas loin de chez elle alors qu'elle jouait avec des copains. Très vite, les services de gendarmerie sont alertés et les hommes de la section de recherches (les fameuses SR) de Bordeaux investissent la petite ville. Il y a eu un témoin de l'enlèvement donc ce n'est pas juste une enfant perdue ou une fugue. C'est la fin de la journée, le Patron de la SR envoie trois hommes en éclaireurs. Les autres suivront à la première heure. Un hélicoptère est également de la partie. La tension est évidemment forte dans un village qui fait au mieux 4 000 habitants. Le PC de commandement des opérations est installée à la mairie et attire la curiosité des habitants. Parmi ces badauds, Dédé, un gendarme repère un jeune, Besson, avec lequel il a eu quelques soucis. Celui-ci lui adressesse un clin d'oeil au milieu de la foule. Cette image trotte dans la tête du fonctionnaire. Qui va en parler à ses supérieurs...
Jean-Charles Chapuzet, seize ans après les faits, épluche la procédure, fait parler plusieurs témoins de cette affaire qui a retenu, visiblement, les médias en haleine pendant plusieurs jours. Et après toutes ces années, les gendarmes, les officiers, se souviennent encore très bien du déroulement, des auditions, des recherches nocturnes, de quelques détails. L'auteur fait très bien vivre son récit, sautant avec talent de 2004 à 2018, 2019 quand il écrit son livre et n'oublie pas de faire autre chose ue le compte rendu d'une enquête, s'intéressant vraiment au suspect, qui deviendra prévenu puis coupable. Il y a là toute une partie société très intéressante, y compris dans le jugement rendu. Le lecteur comprend, sans que cela soit surligné, à quel point le Besson en question avait, dans son triste parcours, une forme de prédestination à la violence. Les mots de la grand-mère sonnent incroyablement forts et demeurent l'un des grands moments de ces 230 pages.
La non fiction, c'est son credo, utilise le "je" avec naturel puisqu'il s'agit bien d'une enquête ou plutôt de la réécriture d'une enquête puisque celle-ci a finalement été réalisée par les gendarmes. C'est donc un reportage long cours, bien troussé, qui permet de porter un nouveau regard, avec le recul, loin des émotions primitives que provoquent ce genre de faits divers. Surtout, c'est l'un des rares faits divers qui se conclue ainsi.
A souligner l'extrême soin des éditions Marchialy apporté à la maquette du livre, couverture somptueuse, lettrage élégant, chapitrage classieux. Bel et bon ouvrage.
Du bleu dans la nuit, ed. Marchialy, 233 pages, 19 euros.