Littérature noire
15 Juillet 2020
Ivor Wright, solide voyou anglais, s'est fait rôtir au fer à souder par son rival de toujours, Bernie Mellick. Tandis qu'il soigne ses graves brûlures, dont certaines sur des parties intimes, ses hommes, par représailles, kidnappe le fils de Mellick, Graham, jeune autiste. La tension monte entre les deux gangs et dans cette ville du bord de mer, l'inspecteur Colin Harpur reçoit l'info du kidnapping. Juste avant que l'on découvre le corps de Wright, lesté de deux balles, dans un fossé, près de la clinique où il était en convalescence. Au même moment, un enquêteur du service d'Harpur prend sa retraite juste quand une enquête pour corruption le vise personnellement. Problème, il sait trop de choses sur tout le monde dans le commissariat : il faut le soutenir. De leur côté, les hommes d'Ivor Wright font chanter Mellick : 200 000 livres en échange du fiston. Une somme pareille ça ne se trouve pas si facilement. Excepté dans une banque.
Protection date de 1988 et bien sûr, ici, pas de téléphones portables, pas d'excès d'ordinateurs, le lecteur est dans une enquête, disons, à l'ancienne. Il s'agit de serrer les truands. Se déroulant sur une petite semaine, le roman ne se caractérise pas par une action folle mais plutôt par des dialogues incessants, piquants. Avec, dans le rôle du dynamiteur, un Desmond Iles, adjoint au chef de police, d'une ironie aussi envahissante que son hypocrisie, n'hésitant pas à critiquer gratuitement son chef (" j'envie Lane qui a su choisir une femme dontrsonne ne voudra jamais "), avant de lui passer outrageusement la brosse à reluire. Il y a un côté psychopathe chez Iles mais également chez Harpur, à la limite du code pénal, et finalement assez proches des gangsters qu'ils pourchassent. C'est l'art de Bill James de montrer les méthodes d'une police de terrain, pas prête à tout non, mais bien décidée à user de moyens passablement moraux pour coffrer des types après lesquels elle court depuis plusieurs années. Le dilemme de la fin du roman est à ce titre révélateur, sauver l'enfant d'abord, coincer Mellick ensuite ?
Et puis ce sont des personnages aux antipodes du standard : pas dépressifs pour un penny, peu portés sur l'alcool, Harpur et Iles parlent des femmes, de leurs conquêtes, un brin misogynes au besoin. Sans jamais être lourds, heureusement. Ce ne sont même pas de grands bagarreurs, encore moins des acharnés de la gâchette, respectant là une vieille tradition de la maréchaussée anglaise.
Loin de l'outrance d'un Ellroy ou d'une immersion à la façon de Joseph Wambaugh, Bill James conserve cette retenue et cet humour britanniques irrésistibles. L'image du chef de la police se promenant, dans tout le commissariat, en chaussettes est, exemple parmi d'autres, juste délicieuse. Techniquement, la partie de l'histoire racontée par Graham, le fils autiste de Mellick, est également, et dans un autre registre, très réussie et assez effrayante par moments.