US Tour 72 avec les Stones : groupies, came et bastons

Juin 1972, les Rolling Stones attaquent leur tournée US à Vancouver pour la promo de Exile on Main Street. Trente neuf dates jusqu'à New-York, parfois deux sets dans la même journée. Une tournée qui intervient deux ans et demi après le mortel fiasco d'Altamont. Le groupe refuse d'ailleurs en 1972 de jouer Sympathy for the devil, trop peur que cela soit mal interprété. En revanche, dans leur set list, ils terminent toujours avec Street fightin man, jouent You can't always get..., Jumpin' Jack Flash et ajoutent bien sûr Rocks off, Rip this joint, Tumblin dice du nouvel album. Deux heures de concert pour une tournée qui doit définitivement installer les Rolling Stones au sommet du rock'n'roll, que ce soit populairement, médiatiquement ou financièrement, cet US Tour est la plus grosse machine jamais imaginée.
Robert Greenfield, journaliste américain, a 26 ans quand on lui propose de suivre la bande à Jagger à travers les Etats-Unis. Il vient justement de passer quelques mois avec le groupe, dans le sud de la France pour l'album Exile... dont il tirera un premier livre. A travers l'Amérique avec les Rolling Stones montre la démesure du rock'n'roll. Plus de trente personnes dans l'équipe, la fameuse Stones Touring Party, équipe regroupant les patrons de la tournée, les roadies, les ingés son, les chauffeurs, la sécurité, un avion aux couleurs du groupe, une scène gigantesque et, tous les soirs, des fêtes, la party d'après-concert. Greenfield, après une longue introduction sur les préparatifs et les enjeux (du cash, beaucoup de cash), détaille par le menu les nuits stoniennes où se mêlent les nombreux amis du groupe, l'équipe, les musiciens de Stevie Wonder qui assurait la première partie (!) et puis les groupies. Il est beaucoup question de cul dans le livre. Pas de pornographie, enfin un brin sur la fin, mais de fellations, de coups tirés dans les salles de bain, dans les chambres surpeuplées d'hôtels perdus ou d'hôtes de luxe. Les membres du groupe ne sont d'ailleurs pas forcément les premiers concernés, la plupart étant déjà bien mariés, non, il s'agit plutôt des roadies, des amis, de l'entourage. Avec des filles qui jouent consciemment leurs rôles. Autre époque.
Mais si les fêtes tournent au chaos, c'est aussi parce que la dope circule à fond. "La methaqualone, une drogue que la respectable Amérique est en train de mettre à la mode en cet été 1972. les Quaaludes ou quacks comme on les nomme dans la rue parce qu'ils rendent bavard, sont des hypnotiques. Ils introduisentune sensation de flou et de chaleur dans la partie du cerveau qui est habituellement génératrice d'action. Ils sont donc parfaits pour s'écrouler, pour baiser des gens à qui on ne parlerait même pas en temps normal et pour oublier son nom. Sans s'étendre plus longuement, on peut affirmer que les Quaaludes sont la drogue de l'année 72, tout comme 67 fut une bonne année pour l'acide et 69 le moment parfait pour se mettre discrètement à la cocaïne."
Bon livre de débauches, A travers l'Amérique avec les Rolling Stones, c'est aussi, dans le désordre, l'histoire d'une fête démentielle chez Hugh Hefner, dans sa Playboy Mansion, plusieurs bagarres entre spectateurs et forces de police, quelques heures au poste dans le Rhode Island, une bataille de tartes à la crème devan tle public pour la der à New-York, la présence bien prétentieuse de Truman Capote, celle d'Andy Warhol... bref, une tournée énorme, sauvage, comme on en voit certainement plus. Il y a quelque chose d'historique dans ces presque 400 pages, même si on n'est pas fan des Rolling Stones.
Si le livre est ressorti aux éditions Le mot et le reste, cette lecture s'est faite avec l'édition, désormais un peu collector, de Speed 77, dirigée par Manoeuvre et Les Humanos. Avec les photos d'Annie Leibovitz.

A travers l'Amérique avec les Rolling Stones, (A journey through America with the Rolling Stones, trad. Philippe Paringaux) ed. Speed 77, 396 pages.