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The killer inside me

Littérature noire

La proie : le rêve de Mandela continue d'être piétiné

L'ouverture en polar, c'est la base. Comme en opéra d'ailleurs. Prenez l'ouverture de Songe d'une nuit d'été par Mendelssohn : on est de suite dans le sujet, dans le vif du sujet même. Deon Meyer, après 25 ans d'écriture et une quinzaine de polars, connaît son job. Et La proie ne déroge pas à la règle avec, dès les premières pages, une bonne vieille scène de baston à mains nues, juste une batte et un couteau, mais quelques dents et pomettes ébranlées. La rixe a lieu à Bordeaux, c'est là que Daniel Darrett, vieux tueur des officines de l'ANC, coule une retraite discrète et quasi amnésique. Mais ces anciens compagnons ont retrouvé sa trace et réclame ses services pour ni plus ni moins qu'abattre le président d'Afrique du Sud, homme corrompu, mouillé dans divers scandales avec des hommes d'affaires indiens. Le pays risquant même de tomber sous peu aux mains d'intérêts russes.
Dans le même temps, au Cap, Benny Griessel et Vaughn Cupido, agents d'élite de la célèbre unité des Hawks, héritent de l'enquête sur la mort d'un garde du coprs, jeté d'un train de luxe. Par définition, le train ne transportant que des hommes et des femmes au-dessus de tout soupçon, le duo va éplucher la liste des passagers. Et trouver deux messieurs, très discrets, aux passeports fantômes. La victime les connaissait-elle ? Et pourquoi la haute hiérarchie de la police sud africaine veut-elle clôre ce dossier par un suicide ? Le type avait quand même un morceau de couteau planté dans le cervelet !
Deon Meyer n'est peut-être pas un génie du roman noir mais ses polars demeurent efficaces. Grâce donc à cett technique que l'auteur possède : sens de l'ouverture, rebondissements dosés, double narration, scènes d'action régulières... Le lecteur se laisse aussi bien prendre par l'histoire de Daniel Darrett fuyant la France par tous les moyens pour mener à bien sa mission, avec des agents russes très coriaces sur ses talons, que les petits pas de Griessel et Cupido confrontés à leurs propres collègues, leurs supérieurs, désireux de ne oas soulever de lièvres. La proie se révèle parfois un peu long, la vie privée des deux flics sud africains donant de la chair aux personnages mais sans vraiment convaincre (spécialement le passage quand Griessel joue avec son groupe).
Il n'empêche, le propos de Deon Meyer est fort. Et ce depuis quelques années, à l'instar de son collègue Mike Nicol, concernant la dérive affairiste, corrompue des successeurs de Nelson Mandela, prêts à vendre les richesses de leur pays aux plus offrants, laissant la misère s'installer et les espoirs s'effondrer. Les témoignages des anciens, de ceux qui ont cru au Grand Jour, sonnent à l'inverse très vrais dans ce roman. On n'est plus ici tellement dans la qualité littéraire que dans la photographie d'un peuple prisonnier d'une nouvelle forme de régime violent. Pour ça oui, La Proie vaut le coup.

La proie (Prooi, trad. Georges Lory), ed. La Série Noire, 563 pages, 18 euros
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