27 Août 2020
L'auteur de Ce qu'il faut de nuit fait sa première sortir face aux lecteurs ce vendredi 28 août à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio. L'occasion d'un entretien (rapide) par téléphone.
A quel point ce roman est-il personnel ?
Il y a des éléments de ma région bien sûr, celle où j'ai vécue jusqu'à mes 20 ans. Toute la partie sur la SNCF est aussi du vécu puisque mon grand-père posait des rails, mon père conduisait des trains et on m'assurait que je serai un jour "ingénieur à la SNCF" ! Pour le coup, c'est pas vraiment ça, puisque je suis à Air France ! Pour le football, oui, je suis un supporter du FC Metz, mes enfants aussi même s'ils n'ont jamais vécu en Lorraine mais la vraie passion du sport dans la famille, c'est le handball ! La première scène où le père regarde son fils jouer c'est plutôt une scène que moi j'ai connu au hand. C'est sur la dégradation d'une relation père-fils que je voulais d'abord écrire, comment cette relation allait être impossible à rattraper. L'élément politique est important parce qu'il détermine cette dégradation des rapports, la déception, mais c'est venu plus tard dans ma perception du livre.
Vous utilisez un style plutôt parlé avec des expressions comme "la môman"ou encore "le Frédéric". Ce n'est pas dur de tordre la langue écrite ainsi ?
Le o qui est prit pour le a, je l'ai entendu dans mon enfance, dans ma jeunesse. On s'est demandé avec mon éditeur s'il fallait le garder, si ça pouvait passer, finalement on a décidé que oui et je trouve que ça donne de l'ancrage. Bon ce n'est pas non plus quelque chose qui va gêner le lecteur. Quant à appeler quelqu'un avec un le ou un la, c'est quelque chose de complètement lorrain. Même si j'ai l'impression que ça a tendance à disparaître.
Nicolas Mathieu a aussi écrit sur la Lorraine, sa désindustrialisation. Est-ce qu'il y a un besoin d'évoquer en ce moment, cette région ?
C'est d'abord un plaisir oui, d'écrire sur la Lorraine. Ensuite c'est un honneur d'être associé à Nicolas Mathieu. Quand est sorti Leurs enfants après eux, j'étais en train d'écrire mon roman, je savais qu'il parlait de cette région mais je n'ai lu son livre qu'après : j'avais trop peur d'écrire la même chose. J'ai pris énormément de plaisir à lire son roman, je l'ai trouvé superbe. C'est une belle région qui fait peu parler d'elle. Aurélie Filipetti a écrit dessus. Mordillat avec Les vivants et les morts, mais sinon...
Il est beaucoup question d'éducation, d'apprentissage aussi, on sent un profond respect pour l'école républicaine dans votre roman.
J'ai un respect énorme oui. Et j'en suis un fervent défenseur. Que les meilleurs élèves, issus de n'importe quelle condition sociale puissent faire leurs études, c'est comme cela que l'on peut s'en sortir. C'est une solution, si ça marche bien, s'il n'y a pas de barrières. Se dire que ses propres enfants peuvent faire aussi bien voire mieux que nous, c'est un vrai sentiment d'espoir, cela donne un autre sens à la vie. Je travaille dans une société qui, pour ça, est, je pense, assez exemplaire, ouverte, puisque il y a des employés de tous les milieux. Mais je ne suis pas certain que l'ascenseur social fonctionne encore dans notre pays. Quand je vois les images d'après match de Paris, je me dis qu'il y a un gros souci avec les gamins. Il faut tout faire pour cet ascenseur social refonctionne correctement.
Votre personnage de Fus est un gamin d'extrême droite mais plutôt discret. C'est l'image nouvelle de cette mouvance ?
J'ai eu la crainte, avec Pierre Fourniaud mon éditeur, que l'on nous reproche de donner un visage trop sympathique de l'extrême droite. Mais je voulais dire que ça peut aussi être ça. On sait bien que ce n'est pas tout noir ou tout blanc. J'ai ainsi le souvenir d'un syndicaliste de Forbach qui est passé de la CGT au FN, c'est un sacré geste... et je me demandais mais comment gère-t-il ça avec ses amis ? Ou sa famille. Mais il ne s'agissait pas d'écrire un roman pour dire voici les gentils, voici les méchants.
On sent un enthousiasme autour de votre livre. C'est intimidant ?
En tout cas je ne l'avais pas anticipé. Début août il y a eu les premiers bons retours des libraires, c'était appréciable. Puis les premiers bons retours de la presse. Et pour le lancement, jeudi dernier, j'étais en direct à la matinale de France Inter, avec un papier dans Libé, L'Express, Le Point, sans oublier le coup de fil de Jean-Christophe Ruffin pour le prix Stanislas. C'était magique.