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The killer inside me

Littérature noire

Demain la brume : et l'humanité périt à Vukovar

C'est l'automne 1991 à Vukovar. En pleine guerre, la ville est sous les bombes. Une faction croate se regroupe autour du cadavre d'un soldat serbe. "Un pauvre type d'à peine vingt ans, étendu dans une position inconfortable, le tissu olive de son uniforme pris dans les épines du buisson." Un premier croate donne des coups de pied dans le coprs sans vie. Puis c'est au tour du Français, de déverser un torrent d'injures. Avant qu'un Australien, cette fois reprenne cette bastonnade puis vide un chargeur sur le malheureux serbe. Cette scène de Demain la brume illustre toute la folie, la haine primaire mais aussi l'engrenage qui ont prévalu dans la guerre de l'ex-Yougoslavie. Son auteur, Timothée Demeillers, s'est attaqué à un sujet délicat, très risqué, celui du basculement de ce pays dans le conflit. Pas un traité de géopolitique mais une vision humaine autour de trois amis qui vont se retrouver d'abrd séparé puis dans les camps adverses. Demeillers est suffisamment habile pour éviter les clihés, même si une ou deux fois il se laisse aller à une forme de facilité (l'histoire, brève heureusement, du bébé est cousu de fil blanc). Il y a ainsi, avant la moindre balle tirée, Jimmy et Damir, deux amis musiciens de 18 ans, plutôt fan des Clash, décidés à secouer le paysage musical de Zagreb. Ils enregistrent un titre, Fuck You Yu, volontiers provocateur et qui leur ouvre quelques portes, à défaut de la gloire. Le duo est complété par Nada, cousine de Damir, amoureuse de Jimmy. Tous trois noués par une amitié, trempée dans la sueur de vacances ensemble, dans la fraîcheur de longues bières partagées sur la plage, par la plaisir d'être ensemble. A la mort de Tito, le pays se disloque doucement et ce qui leur paraissait impossible, eux enfant de la Yougolavie, parfois de père croate, de mère serbe ou inversement, ce qui paraissait inimaginable survient : le séparatisme le plus guerrier. Et des gamins, endoctrinés, qui vont prendre les armes.
Pour appuyer son propos, Demeillers en appelle à un jeune Français, un brin paumé, vagement révolutionnaire, amoureux d'une jeune black punk du côté de Nevers. Cet à côté narratif fonctionne car hyper romanesque, avec de grands discours sur la liberté, la société et c'est ce que l'auteur offre : la confrontation des idéaux avec la réalité. Ou jusqu'à quel point veut on mourir pour ses idées. Et Pierre-Yves est donc ce Français qui s'enrôle chez les Croates.
Très bon roman noir sur une guerre, ou du moins quelques mois avant et quelques mois du début, d'une rare violence au coeur de l'Europe, Demain la brume distille sa tragédie avec fatalisme, l'auteur observant une humanité s'auto détruire. Une réussite.

Demain la brume, ed. Asphalte, 392 pages, 19 euros
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