Littérature noire
25 Janvier 2021
Bambi à 16 ans et son truc, c'est d'attirer des "vieux" via les sites de rencontres, pour les dépouiller avec l'aide de ses copines Leïla et Louna. Pour se faciliter la manoeuvre, elle a toujours son calibre dans son sac. Elle arrive à se faire un peu d'argent de poche, récupérant aussi de belles montres, quelques robes de luxe... de quoi voir venir pour elle et sa mère alcoolique, vivant toutes deux dans un appartement parisien. Ce taudis où Bambi a dû subir les violences de son beau-père. Elle veut d'ailleurs se venger de lui. Et du monde.
Manger Bambi, de Caroline de Mulder, se revendique roman actuel, moderne, à la fois dans son langage de banlieues, et dans son histoire, ce mini gang d'adolescentes, malmenées par la vie. Mais ça ne fonctionne pas. Le vocabulaire poussé ainsi à l'extrême fini par sonner artificiel, fabriqué. "Autour de sept cent cinquante dolls au total alors ? Pour la maille ça vaut pas la bicrave. Je fais les cinq cent facile en poussant dix grammes." Ce n'est ni nouveau, ni follement subversif, c'est juste un peu lassant sur 200 pages.
Des auteurs comme Karim Madani ou Eric Maravelias (La Faux soyeuse) ont parfaitement su marier le langage de la rue du XXIe siècle sans en faire des tonnes à chaque ligne. Avec Manger Bambi on est plus proche de Nabila que de Michel Audiard malheureusement. Zéro poésie, zéro humour.
Et au-delà de l'aspect linguistique, Caroline de Mulder ne parvient pas à insuffler une vraie énergie à son personnage de Bambi. Parce que la psychologie est sommaire finalement mais aussi parce que l'histoire tient sur une jambe. Arnaquer des vieux d'accord. Se venger du beau-père très bien. Mais après ?
Le rapport de cette gamine de seize ans avec les armes à feu semble aussi appuyé un brin trop fort, et cette scène dans les toilettes avec le Beretta est quasi gênante ("Bambi range son téléphone et caresse son gun ou plutôt le masse, le palpe, un long moment, au point que le métal commence à chauffer"). Enfin, le dernier problème c'est que l'on a du mal à avoir de l'empathie pour cette petite. Ou pour ses copines. Elles n'ont pas les épaules des Natural Born Killers d'Oliver Stone, pas l'esprit de Thelma et Louise... On pourra nous dire que à l'époque des abus sexuels sur les enfants, des sites de rencontres ou de la prostitution des ados, le livre est hyper moderne. Oui mais non.
Manger Bambi, ed. La Noire, 198 pages, 18,50 euros