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The killer inside me

Littérature noire

Nothing Man : on ne se lasse jamais de Jim Thompson

Entre 1952 et 1955, Jim Thompson pond treize romans ! En commençant par Le démon dans ma peau et jusqu'à La mort viendra, petite. L'auteur se sent enfin bien dans sa vie, dans son métier, quand il publie Nothing Man à la fin de 1954. Toujours sur le thème de l'enfer intérieur de ses personnages, Thompson livre l'analyse d'un homme en proie à ses tourments, ses questions. Ici Clinton Brown est un relecteur du Pacific City Courier qui est revenu diminué de la Seconde Guerre Mondiale. Intimement diminué. Malgré un fond bon, son ironie, sa lucidité et sa grande douleur, le rendent dangereux. Forcément, il va tuer.
A l'occasion de la relecture de Nothing Man ( on en parlait ici) il devient évident que ce n'est pas une oeuvre mineure de Big Jim. Il y a encore une belle folie. Beaucoup d'humour. Et un sens aigu de la narration. On se rend compte aussi à quel point la version de La Série Noire (1966) avait "bouffé" une partie de l'histoire. Le travail de Julien Guérif, aujourd'hui, n'en prend que plus de valeur. Voici quelques différences notables, prises presque au hasard. Pas seulement des problèmes de traduction, puisque des lignes entières sont passés à la trappe.

Chapitre 1. Version Gallimard : " Il s'est arrêté en sortant, à hauteur de mon bureau, les pieds solidement sur terre, ou plutôt sur le plancher de la salle de rédaction, mais je n'ai pas levé les yeux immédiatement. Dave avait commencé à se racler la gorge."

Version Rivages : "En partant, il s'arrêta devant mon bureau. Il avait les pieds bien sur terre - ou devrais-je dire sur le sol de la rubrique métro - mais je ne pus lever les yeux tout de suite. J'étais encore en proie à mes émotions. Comme vous vous en êtes douté, j'ai l'âme d'un poète."

Chapitre 4 (premières lignes). Version Gallimard : "Lem Stukey, chef de la police de Pacific city, se versa un autre verre, puis il poussa la bouteille sur son bureau dans ma direction et fit un geste avec son verre. C'était un bel homme, dans le genre plutôt gigolo."

Version Rivages : "J'ai sans doute tort - j'ai eu tort sur tant de choses - mais je ne me souviens pas avoir entendu parler d'un salaud qui ne tirait pas son épingle du jeu. Je parle bien sûr des véritables salauds. Le haut du panier, le nec plus ultra. Les types de cet acabit, les salauds qui ne veulent pas changer, qui sont parfaitement lucides et qui se consacrent pleinement à leur art, sont vraiment uniques. Et c'est souvent les premiers à le savoir. Car ils obtiennent toutes ces choses dont on prive ceux qui ne se comportent pas comme des salauds, ceux qui ne ressemblent pas à Lem Stukey, l'inspecteur en chef de la police de Pacific City. Il se versa un autre whisky et fit glisser la bouteille dans ma direction..."

Chapitre 15. Version Gallimard : "A d'autres ! Ce n'est pas à moi qu'elle allait bourrer le crâne avec cette histoire de saucisses de Francfort glacées sur un lit de panais chaud à la mayonnaise ! En fait c'était bien ce que j'avais pensé : des gants de caoutchouc assaisonnés d'une lotion pour les mains, servis avec un hachis d'éponges frites."

Version Rivages : "Je n'étais pas dupe. Les saucisses glacées et les lits de panais revenus dans de la mayonnaise chaude n'existent pas. Mes sens ne m'avaient pas trompé : c'était bien des gants en caoutchouc trempés dans de la lotion pour les maison et accompagnés de rondelles d'éponges frites."

Chapitre 24 (premières lignes). Version Gallimard : "Ses lèvres légèrement enflées grimaçaient un sourire. Une large bande de sparadrap lui barrait le nez. Sur son visage, le talc masquait mal le réseau d'égratignures rougeâtres et d'écorchures. - J'ai une sale gueule, pas vrai, petit ? Nom de Dieu, pourquoi tu m'as laissé tombé comme ça ?"

Version Rivages : "Il se tenait au-dessus de moi et souriait de derrière ses lèvres un peu bouffies. Il avait un gros sparadrap en travers du nez et son visage passé au talc n'était qu'un maillage de coupures et de griffures rouges. - J'ai une sale gueule hein ? Pourquoi tu m'as laissé là-bas, petit ?

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