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The killer inside me

Littérature noire

Kasso : "Maman n'est pas morte..."

Drôle. Et même très drôle. Méchant. Parfois très méchant. Après Demain c'est loin et Pension complète, le lecteur pouvait craindre un coup de mou de Jacky Schwartzmann. Parce que l'humour c'est difficile. Parfois ça lasse. Mais non, avec Kasso, l'auteur-marathonien (il en a fait au moins un !) quitte les banlieues, le sud de la France et retourne chez lui, dans la rieuse cité de Besançon. Et ça défouraille.
Jacy Toudic doit quitter Marseille pour prendre soin de sa mère, veuve, frappée d'Alzheimer. Tout ça à Besançon donc. Le souci c'est qu'il doit la placer en Ehpad et bien sûr cela risque de lui coûter un bras. Voire les deux. Car depuis 25 ans il économise. Tous ses revenus sont transférés au Luxembourg.  "Mon job ? Je fais Mathieu Kassovitz." Oui il ressemble trait pour trait à l'acteur de La Haine, même morphologie, même voix, même phrasé. Donc il en use et en abuse. A Besançon, via Tinder, il tombe sur Zoé, avocate fiscaliste qui lui conseille de passer la vitesse supérieure, d'arrêter de bricoler des enveloppes à 50 000 euros. Son idée ? Organiser le tournage de La Haine 2. Et partir avec l'argent de la production.
L'idée de départ est très casse-gueule mais Jacky Schwartzmann mène sa barque avec beaucoup de ruse et finesse. Ce sosie n'en fait pas trop. Et puis Kassovitz ce n'est pas l'homme le plus médiatique donc oui, pourquoi pas ? Ce qui raccroche tout ça, la dose de crédibilité c'est la prose de l'auteur. Son côté cynique désabusé. "ça fait très New-York tout ça. Adolescents, nous ne cessions de nous répéter qu'entre naître ici et naître dans la Grosse Pomme, ça change la vie. Les Beastie Boys pour eux, Jeanne Mas pour nous. ça s'appelle une enculerie."
On se rend compte au fil de ses romans que Schwartzmann possède deux belles qualités. Dessiner des bons personnages. Comme la mère de Toudic, sans mémoire certes et qui prend désormais Nagui pour son fils et son fils pour le docteur. A qui elle demande un peu d'herbe à fumer ! Ou alors Elder, le pote du pote, et sa théorie du temps qui va à l'envers et trouve que Cabrel ressemble étrangement à Akhenaton, du groupe IAM. Il y a des situations comme ça dans Kasso, dignes des Monthy Python ou de Kaamelot.
Deuxième qualité, ce sens du rythme. On l'avait déjà lu dans les précédents mais ici encore, le mouvement est continu sans être frénétique. Jacky Toudic passe de son pote Yann à Zoé, puis sa mère, puis le producteur, puis Elder. Bien sûr avec 210 pages ce n'est pas un exploit de distribuer les rôles et les dialogues mais c'est le charme du roman, de ne pas faire long, de tailler dans le gras, pour rester sur de l'action pure.
Et malgré tout, ça reste intelligent sur, c'est un peu banal peut-être, ce temps justement qui passe, ses amis que l'on a laissé derrière soi, ses souvenirs, comme cette chanson de Gainsbourg chantée par Birkin, L'aquaboniste. Que madame Toudic avait enregistré sur une cassette qui, désormais, ne sort plus de l'auto-radio de la Taunus familiale et qui, donc, passe en boucle. Derrière l'humour féroce, la colère parfois, il y aussi une forme de nostalgie, de regards tendres sur les gens et la ville. Cela donne une belle couleur à ce Kasso.

Un livre qui fait rire aujourd'hui, ce n'est pas à négliger. Et il fera sans doute rire aussi demain. Rien que ces premières lignes : "Maman n'est pas morte. Ce serait mieux pour tout le monde, à commencer par elle."

Kasso, ed. Seuil, 214 pages, 18 euros
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