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The killer inside me

Littérature noire

Le corbillard zébré : Lew Archer dans le fossé des générations

Mark Blackwell est ce que l'on peut communément appeler un sacré connard. Pas parce que c'est un ancien militaire frustré de ne pas avoir mis un pied sur un champ de bataille. Mais bien parce qu'il se sent obligé de déclencher une enquête sur son futur gendre, Burke Damis, jeune peintre, pas forcément sans talent mais, il est vrai, sans grande sympathie et, surtout, sans le sou. Pour Blackwell, il n'est pas possible que ce garçon convole avec sa belle Harriet. A Lew Archer de trouver ce qui cloche chez Damis. Et Archer va très vite tomber sur une drôle d'info : la femme de Damis est morte assassinée il y a quelques mois et il est le principal suspect ! Pas le temps de creuser plus que le jeune couple s'évanouit dans la nature. Archer part sur les traces du peintre dont l'identité réelle devient de plus en plus floue. Pour mieux le cerner, le plus célèbre détective de Santa Barbara s'envole pour le Mexique, vers le lac Tohe dans la Sierra Nevada, mais aussi du côté de San Francisco. Pour découvrir que les enfants américains ont des envies d'émancipation. Comme ces jeunes surfers, chassant la vague dans leur corbillard zébré.
C'est une enquête redoutable que propose Ross MacDonald en 1962 avec ce Corbillard zébré, dixième tome de la série Archer. Redoutable parce que l'intrigue est géniale d'ingéniosité, distillant en parallèle son lot de malaises familiaux, car tout se trame finalement autour des relations au coeur des foyers. Le lecteur sait aujourd'hui que la fille du couple Millar (le nom de Ross MacDonald) a eu d'énormes problèmes de santé mentale dans sa jeunesse et, encore une fois, l'auteur se penche ici avec une tendre bienveillance sur la psyché des jeunes californiennes, leurs angoisses, leurs désirs. En creux, il s'agit aussi d'une Amérique qui surgit. Face à celle des militaires, de la rigidité et des conventions, il y a une génération qui réclame de la liberté. Et Lew Archer, symbole de compréhension, à quarante ans, essaye de dénouer cet écheveau de tensions. Confrontés à une galerie de femmes remarquables, et souvent très libres, il va affronter les dures réalités d'une société de préjugés. Engagé pour salir la réputation d'un jeune homme, il se retrouve face à un, puis deux meurtres non résolus. Pas de bagarres cette fois, mais un rien de charme, pas d'idéalisme forcené, mais un soupçon de romantisme.
La prose de Ross MacDonald, toujours aussi punchy et directe, finit de rendre ce Corbillard plus que fréquentable. Quant aux 50 dernières pages... un régal.

Le corbillard zébré (The Zebra-striped hearse, trad. Jacques Mailhos), ed. Gallmeister, 329 pages, 10 euros
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