Littérature noire
3 Mars 2021
"Tire, putain. Fais pas, ça par pitié, j'ai une femme et des enfants ! Tire, gamin ! Tu vas perdre tes couilles, c'est ça ? Je t'en supplie, fais pas ça ! Trois coups de feu qui cinglent, et Gio qui vomit. Des bouts de cerveau éparpillés sur son visage et son tee-shirt. Putain de sa mère. T'es un homme, maintenant, un vrai."
Cinquième roman d'Edyr Augusto, Casino Amazonie ne montre pas un auteur plus calme, moins hanté par la violence de sa ville de Belèm. Augusto écrit toujours avec une lame dans la main, ça tranche, ça fait mal. Une littérature contemporaine avec énormément de tripes puisque cette fois-ci il évoque les liens entre le monde de la santé et l'ouverture de casinos clandestins de luxe. Il y a toujours, en filigrane, la présence de politiciens véreux et de flics rances, mais avec Casino Amazonie, il pointe du doigt la haute société qui se donne le grand frisson avec une paire d'as ou un full aux rois par les as. C'est court, c'est fort et c'est original dans le paysage du noir. Surtout qu'ici, Augusto se met lui-même en scène.
Un midi, "L'écrivain" se fait enlever par les hommes de Bronco, figure du banditisme de Belèm : "mon problème, c'est que tu fouines beaucoup trop à droite et à gauche". Et ainsi, de confidences en confidences, va se raconter une histoire du jeu dans cette ville du nord du Brésil. Marollo, le docteur aux bons contacts politiques, qui va ouvrir un Casino clandestin pour les plus riches joueurs du coin, du pays, voire d'Amérique du Sud. Gio, le jeune ambitieux, orphelin, enfant de la rue, marié à Zaza la naine, et qui va devenir son bras droit, son homme de confiance. Paula, grande joueuse de poker et surtout bombe atomique, qui va - d'abord - tomber amoureuse de Gio. Paulo, enfin, qui rêvait d'être flic, avant de fuir l'institution lorsqu'un coup tordu tourne mal et qu'il soit obligé de rejoindre la pègre locale. Le quatuor va avancer, chacun à son rythme, chacun avec ses ambitions mais, toujours, dans la violence.
Respectant les grands codes du roma noir, Augusto appuie à fond la carte de la femme fatale. Et ne joue pas les pudiques. Il aime les grandes scènes de sexe débridées et en offre encore deux ou trois avec la magnifique Paula. Il y en aura même une, plus rapide, presque furtive, avec la naine Zaza. Mais Augusto ne veut pas choquer pour le plaisir de choquer. Il veut raconter son monde.
Casino Amazonie est du même tonneau que Moscow, sans doute plus sombre que Belèm, son premier roman. Quand on parle de littéraure sudaméricaine, il y a tout de même un monde entre les auteurs cubains, argentins ou chiliens d'un côté et les Brésiliens. Ici pas de mélancolie, pas de torpeur et encore moins de poésie...
Malgré les apparences, l'auteur n'en rajoute pas, s'efforce de coller à sa réalité et c'est ce qui fait que le lecteur colle à cette narration, fluide, très rythmée, où les dialogues se fondent dans le texte; Oui, certaines scènes piquent, poussent le curseur, mais c'est un monde de barbares, de psychopathes du quotidien. A plus forte raison dans ce coin du Brésil, loin de tout. Un vrai voyage.
Casino Amazonie (trad. Diniz Galhos), ed. Asphalte, 201 pages, 20 euros