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The killer inside me

Littérature noire

Garde le silence : l'enfer des ouvriers baltes au Royaume-Uni

L'immigration balte en Angleterre. La montée du racisme dans une petite ville au nord est de Londres. Et, en filigrane, le Brexit. Garde le silence, quatrième roman de Susie Steiner (avec Homecoming paru en 2013), et troisième enquête de son inspectrice Manon Bradshaw, dissèque le malaise britannique actuel, piégé par un système dans lequel les entrepreneurs veulent bien faire travailler des étrangers douze ou quatorze heures par jour, mais la population, elle, ne veut ni les entendre, ni les voir piquer leur job. Matis et Lukas ont quitté leur port lituanien pour ce qu'ils imaginaient un eldorado, fait de thé à la bergamote et de pale ale. Hélas, ils tombent dans un trafic pur et simple. Passeport et téléphone confisqués, ils sont parqués dans une maison tenue par un autre Lituanien, aussi féroce que son chien. Tous les matins, à quatre heures, ils sont debout pour attraper des poulets dans une ferme voisine. Après plusieurs mois, Lukas est retrouvé pendu dans un parc de la ville avec ce simple mot, "les morts ne parlent pas". Manon Bradshaw et son équipe tentent de comprendre. Mais entre des immigrés qui ne parlent que deux mots d'anglais et des groupuscules racistes muets, la tâche s'annonce ardue.

Garde le silence n'est peut-être pas le polar de l'année mais les critiques anglaises estiment, eux, que c'est aujourd'hui le meilleur roman de Susie Steiner, ex journaliste du Guardian entre autres. Garde le silence souffre juste d'un manque de tension, c'est tout, d'une ou deux scènes un peu plus musclées. Pour le reste, l'autrice parvient à décrire avec la précision nécessaire les ressorts de cette société schizophrénique. Dans laquelle une partie des Anglais veut bien payer moins cher les travaux de peinture ou la fabrication d'une terrasse et une autre partie manifeste contre ces étrangers qui cassent les prix et font "qu'on ne se sent plus en Angleterre". Mais la force de Susie Steiner c'est de parvenir à s'extraire aussi de l'enquête pour se pencher sur la vie de son héroïne. Et c'est franchement réussi. Les soucis de Manon Bradshaw avec son mari admis en oncologie, ses questions sur sa vie sentimentale ou sexuelle, ses doutes sur l'éducation de ses deux fils, tout cela sonne assez honnête, aussi, parce que l'inspectrice est doté d'un caractère solide, voire impulsif. Le lecteur n'est pas chez Katherine Pancol, avec une psychologie sommaire, des raccourcis pénibles, des solutions toutes faites. La complexité des rapports humains est bien souligné avec Susie Steiner sans que cela devienne envahissant. Un équilibre réussi pour un roman qui méritait sans doute un poil de folie. 

Garde le silence (Remain silent, trad. : Yoko Lacour), ed. Les Arènes, 407 pages, 20 euros
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