Littérature noire
18 Octobre 2021
Un livre avec une histoire ! Ce n'est pas si fréquent. Les plus de quarante ans se souviennent forcément du film de Julien Duvivier, Pépé le Moko, avec Jean Gabin. Des images floues, noir et blanc, un soir de cinéma de minuit. Il se trouve que le livre, sorti en 1931, qui a inspiré le film, n'a jamais été réédité depuis plus d'un demi siècle ! Le titre était entré dans l'inconscient collectif mais sans le texte finalement. Son auteur, Henri La Barthe (d'où Ashelbé), authentique détective du début du XXe, disparaissant après la Seconde Guerre Mondiale...
L'an passé c'est son petit-fils qui a souhaité remettre Pépé le Moko dans les librairies. Parce qu'il s'agit de quelque chose qui tient au patrimoine. Er que ce sont aussi les premiers pas du polar à la française, reprenant le flambeau d'Emile Gaboriau. Enfin, ce roman est un morceau d'histoire parce qu'il témoigne d'un vocabulaire aujourd'hui quasiment disparu. L'argot parisien, celui de la rue, un créole du pavé, un sabir du troquet.
L'histoire ? Rien de fou si on se réfère à ce qui s'écrit en 2021. Un voyou réfugié à la Casbah d'Alger est recherché par la police. Charmeur, charmant, il va se laisser piéger par une jolie blonde venue en voyage, déclenchant la colère jalouse de sa régulière.
Attention, comme pour Tintin au Congo, certains pourraient y voir un racisme basique, à force d'y lire arabe ou nègre. Mais c'est juste un roman de son époque, pas besoin d'en faire un débat stérile.
En revanche, quelle richesse de la langue ! Quel trésor ! "Un hourvari sans nom... vêtues le diable sait comme... ses traits de gouape voluptueuse... ici tout le monde m'obéit, t'entraves ?... j'peux m'baguenauder du matin au soir... des sybarites avaient apporté une paillasse... t'es pas louf ? " Assurément, un vrai bain de jouvence et aussi le sentiment de lire un écrivain qui connaissait finalement bien son milieu, peut-être caricatural par moment, mais réaliste le plus souvent, comme cette balade nocturne dans les bouges de la Casbah. En 2021, ce roman a toute sa place chez les mordus de littérature noire. Et puis cette couverture ! Tellement vintage.
Pépé le Moko, ed. Relatives, 191 pages, 17 euros