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The killer inside me

Littérature noire

Leur domaine : toute la technique de Jo Nesbo

Quel technicien ce Jo Nesbo ! Ou plutôt quel mécanicien. A l'image de son personnage principal dans Leur domaine, Roy Opgard. Ce dernier répare durites, freins, soupapes des Cadillac, Subaru de son village de montagne en Norvège. Jo Nesbo, lui, fixe les attentes de ses lecteurs, jongle avec les années, clôt ses chapitres sur une phrase de suspense. C'est imparable.
Roy Opgard est au milieu de sa trentaine quand son frère Carl, plus jeune de quelques mois, revient au pays, après quinze années d'études et de boulot aux Etats-Unis. Carl, c'est un peu le beau gosse qui a réussi. C'est surtout la vraie moitié de Roy, tous deux ont traversé une enfance rude dans ces montagnes hostiles. Une jeunesse fracassée par un père violent. Alors, quand ils deviennent orphelins juste avant la majorité de Roy, c'est tout autant un drame qu'une délivrance. Mais si Carl revient dans son village d' Os, avec sa femme caraïbéenne, c'est pour lancer un projet immobilier d'hôtel de luxe sur les terres infertiles de la ferme familiale. Pour cela il a besoin de l'aide financière de tous les habitants. Ainsi que de Willumsen, roi local de la voiture d'occasion et usurier notoire. Tout s'emmêle rapidement, l'ex petite amie de Carl, Mari, ne l'a pas oublié. Le flic du coin enquête toujours sur la disparition de son père, également policier, quinze ans avant. Roy se voit proposer la gérance d'une station service loin d'Os. Loin aussi de la femme de son frère pour laquelle il éprouve une attirance incontrôlable.
Leur domaine sort Jo Nesbo de sa série Harry Hole mais il ne sort pas pour autant du thriller, plongeant ici dans le thriller psychologique pur et dur. Manipulation, psychopathie, secrets de familles, tout y est pour que le lecteur se sente happé de tous côtés. A l'inverse des Harry Hole, cettte fois l'auteur n'abuse pas de violences inutiles et spectaculaires. Nesbo a toutefois le vice de mettre sous la lumière un "héros" très discutable, pas franchement moral mais auquel on s'attache, tout autant qu'on le déteste. Parce que Roy a une loyauté inébranlable pour son jeune frère, une fidélité sans borne, prêt à tout pour le sortir des mauvais pas. S'il n'y a pas de violence malsaine, il y a tout de même quelques très bonnes scènes de psychopathe et là, encore, la mécanique de l'auteur fait merveille. C'est précis, jamais trop rapide et fatal.
Les fans de l'auteur du Bonhomme de neige (sans doute son meilleur roman) applaudiront des deux mains. Les autres resteront un peu de marbre face à un texte qui manque d'humanité, de profondeur. C'est du pur entertainment et il faut le prendre tel quel.

Leur domaine (Kongeriget, trad. Céline Romano-Monnier), ed. Série Noire, 636 pages, 22 euros.
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