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The killer inside me

Littérature noire

Bobby Mars Forever : Parks sublime la violence de Glasgow

Un court instant, le lecteur a pensé qu'Harry McCoy allait traverser cette nouvelle enquête sans se prendre le moindre coup, en évitant les calibres, les matraques ou les lits d'hôpital. Ouf ! Alan Parks nous rend notre flic écossais préféré avec Bobby Mars Forever. McCoy dérouille salement, même si ce n'est puis lui qui est visé en premier lieu, ensuite l'auteur se rattrape et l'nspecteur de Glasgow se retrouve ligoté dans le coffre d'une voiture à Belfast, puis pissant le sang sous un orage...
C'est toujours l'année 1973 comme dans Janvier noir et L'enfant de février. Mais on est en juillet, dans une chaleur étouffante. Harry McCoy, la trentaine, est écarté, par l'infect Raeburn, de l'enquête sur la disparition de la petite Alice Kelly, fait divers alimentant la parano populaire et les gros titres de la presse. Il est mis sur cette série de braquages non résolue mais aussi ce mort dans une chambre d'hôtel. Pas n'importe quel mort : Bobby Mars, guitar hero de Glasgow, qui avait auditionné pour les Stones avant de lancer une carrière solo marquée par un succès immédiat puis l'échec. Il finit sa vie à 27 ans, sur un lit du Stuart Royal Hotel, une seringue à ses côtés. Rock'n'roll. Ou meurtre ? Et puis, finalement, comme McCoy a un peu de temps libre, c'est son chef Murray, qui lui demande de mettre la main sur sa nièce, fugueuse. Pendant ce temps, son ancien subordonné et jeune ami, le brave Wattie, est aux ordres de Raeburn.
Alan Parks ne baisse pas d'un iota la radiographie des seventies glauques de sa chère ville. Violences policières, violences du milieu, trafics avec l'IRA, came à tous les étages, cela dans une cité surchauffée qui ressemble à une cocotte minute - Petite parenthèse pour souligner le bonheur de cette couverture : une image de Depardon, issue de sa prodigieuse série sur Glasgow (ed. Seuil, 55 pages 29 euros) - " Glasgow n'était pas habituée à ces météos-là, et elles ne la flattaient pas. La lumière crue du soleil révélait la réalité de la ville - pas de nuages ou de bruine pour atténuer le tableau. Elle soulignait sa déliquescence, les détritus dans les rues, les visages ravagés du groupe d'hommes tremblotants devant le marchand de vin."
Bien évidemment que l'intrigue sent le tabasco et le café robusta, c'est une histoire bourrée de tiroirs, capable de réveiller un mort. Un fil d'une pelote de laine qu'il faut tirer encore et encore pour parvenir au bout. Mais le vrai bonheur, c'est de placer tout cela, au milieu des bordels, dans des pubs cela va sans dire, dans une ville à l'abandon. Parks, sans faire dans le misérabilisme restitue cette atmosphère, qu'il a connue enfant.
Et encore une fois, il y a de la musique. Peut-être un peu plus que dans les deux précédents tomes avec la création de ce Bobby Mars. Furieuse trouvaille qui permet à l'auteur de perdre son lecteur dans l'histoire des sessions secrètes des Stones à la recherche d'un remplaçant à Brian Jones. Parks glisse une anecdote autour d'un sac qui aurait contenu des bandes son inédites. Savoureux. Et pas faux quand on se souvient que Rory Gallagher, Jimmy Page, Ry Cooder et d'autres avaient joué en studio avec l'équipe de Jagger.
Bobby Mars Forever confirme que le polar bien noir n'est pas foutu. La forme classique du genre a toujours des choses à dire et peut même innover, glisser de nouvelles couleurs, des nuances inédites. On pensait que ce concept d'un polar avec chaque mois de l'année était casse-gueule, mais Parks a du répondant, une solide culture (il se matait deux films par jour au vidéo club dans sa jeunesse) et une plume de plus en plus acérée.

Bobby Mars Forever (Bobby Mars will live forever, trad. Olivier Deparis), ed. Rivages, 405 pages, 22 euros
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C
ha ha, non, le lecteur n'y a pas pensé une seconde "Un court instant, le lecteur a pensé qu'Harry McCoy allait traverser cette nouvelle enquête sans se prendre le moindre coup"<br /> Et oui, formidable troisième opus...
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