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The killer inside me

Littérature noire

Chez Paradis : la campagne française, ses pornos hard, ses élus ripoux, ses garagistes

" N'empêche que tout ce qui se produit à ce moment-même et depuis quelques jours maintenant, cette accélération des emmerdements, n'est pas naturel, il faut se rende à l'évidence. " Max Dodman n'est pas une lumière, mais ce gros connard, garagiste marron perdu au milieu de nulle part ("Chez Paradis", c'est le nom de cette boutique où on sert la mauvaise humeur à prix d'or... et en cash), sait reconnaître les ennuis. C'est peut-être qu'à force de se shooter au Captagon sa paranoïa  a aiguisé une forme de sixième sens. Il est persuadé que ses problèmes vont venir par l'ouest. Qu'un bouc va le traquer.
Cela fait tellement longtemps qu'il se les cherche. Rien qu'en ce moment ! Il héberge, dans les préfabriqués qui servent de motel derrière le garage, deux réalisateurs de pornos hard core qui balance tous les soirs les pires dégueulasseries sur le net, sur le dos façon de parler) d'une pauvre petite Roumane. Et puis voilà que le maire a trouvé des investisseurs coréens et qu'il faudra les égayer le soir de leur visite. Vu que Max Dodman héberge des actrices ponors, il doit pouvoir trouver ça non ?
Raclure jusqu'au bout, il insulte à tout bout de champ son jeune apprenti. Et idem avec sa femme. Mais là, on pourrait presque le comprendre : " dans le couloir,  Marie-Louise sortait de la salle de bains dans un mélange d'odeurs chaudes pas tout à fait agréables, entre le Monsavon et et le germe fongique des serviettes humides..." Bref, à Mont-Roquin-sur-Dizenne, c'est pas glamour. Et voilà qu'un motard débarque. Lui, il s'est fait shooter par Dodman il y a plus de trente ans lorsqu'il était convoyeur de fond. Le motard s'était retrouvé, à 17 ans, accusé de braquage de fourgon blindé, trois ans de préventive et un avenir foutu. Il n'a pas oublié. Et à la vengeance qui le démange.
Si Depardon a parfaitement rendu compte de la France rurale qui disparait, de ces bâtiments fifties désuets, avec Chez Paradis, Gendron prend le contre-pied. Ah ça, le garage Paradis a un côté très roots ! Mais bon, cette campagne, c'est pas celles néo-ruraux, amateurs de graines et de cocottes qui font des bons petits oeufs. Ici, on tourne du porno hard, on escroque le passant et la jeunesse s'ennuie. Denis l'apprenti résume : " c'est comme partout. Si t'as pas de fric, ouais, tu te fais chier. Si t'as du fric par contre... c'est comme toujours avec les riches, de toute façon. Où qu'ils vont, ils ont de quoi se construire leur petit univers de riches."
Sébastien Gendron, sous couvert de noirs sarcasmes, n'a pas oublié la dimension politique bien sûr. La corruption des élus locaux, la justice bancale et l'exploitation des pauvres jeunes filles de l'Est. Dans son style à la sulfateuse, l'auteur défonce, décape et laisse le lecteur se débrouiller avec des natures humaines pas jolies jolies. N'allez pas chercher de morale, ni même de bien ou de mal avec Chez Paradis. Au mieux, les moins méchants ont juste pas de chance d'être là. Ce n'est pas joyeux mais Gendron sait rire et faire rire des pires situations. Exemple avec Marie-Louise et son improbable dalmatien, Bécaud. Grand moment de "non, il ne va pas faire ça... ? "

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