25 Avril 2022
Après le formidable Poussières dans le vent, sans doute son meilleur roman, Leonardo Padura propose, avec L'eau de toutes parts, une vingtaine de textes, d'essais sur son écriture, sur la littérature cubaine et sur Cuba, tout simplement. C'est parfois très intéressant mais cela tombe aussi à plusieurs reprises dans la thèse universitaire et même dans le péché d'orgueil.
Là où Padura accroche son lecteur, c'est vraiment d'abord sur sa vie, sa jeunesse. Ses études, ses premiers boulots, les étés à couper la canne à sucre pour atteindre l'objectif de production décidé par le gouvernement. Et puis il y a son travail dans la presse, la "sanction" qui l'envoie dans un magazine où il bénéficiera de plus de libertés finalement. Même les pages sur son quartier de Mantilla sont touchantes, quand il écrit que, finalement, on est moins d'un pays que d'une ville et, lui, c'est bien La Havane. La Havane et son Malecon, frontière avec la mer, lieu de promenade des Havanais, des touristes aussi, mais lieu mythique vers l'autre côté, l'Amérique, l'ailleurs.
Padura est également émouvant lorsqu'il évoque tout son amour pour le base ball. Les noms des joueurs célèbres, des dieux pour l'enfant qu'il était, et puis la première tenue qui lui a été offerte, son rêve de devenir pro, les matches avec son père, son oncle. Et la tristesse de voir le football remplacer ce sport qui, selon lui, incarne tellement Cuba. Une très belle réflexion sur la mondialisation via le ballon rond.
Enfin, lorsque l'auteur dissèque la genèse de L'homme qui aimait les chiens, ce roman autour de l'assassin de Trotski, réfugié anonymement à La Havane dans les années 70, le lecteur a vraiment le sentiment de partager un processus de création, les entretiens, les voyages.
Puis, Padura commence à regretter de ne pas être Paul Auster. Parce qu'à l'auteur new-yorkais on ne pose pas toujours les mêmes questions sur "pourquoi vous restez à Cuba" ? Parce qu'à Paul Auster on lui parle de littérature. Pas à Padura. On peut interpréter différemment ce texte mais là, il y a un brin d'orgueil et un soupçon de mépris pour ceux qui viennent l'interroger, qu'ils soient journalistes ou lecteurs sans doute. Oui, c'est intéressant de connaître les raisons d'un auteur qui demeure dans une île qui traverse tant de difficultés. Savoir si c'est un attachement révolutionnaire ? Ou une simple histoire de racines.
Ensuite, Padura se livre à des analyses littéraires autour d'Heredia et de Carpentier qui paraîtront hermétiques à tous ceux qui n'ont pas lu ces auteurs. Il remonte le fil de l'esprit nationaliste cubain puis celui de la révolution et pour si précis que ce soit, cela tourne vraiment à la thèse.
On ressort quelque peu déçu de L'eau de toutes parts. Parce que l'on n'y retrouve pas forcément l'auteur que l'on pensait apercevoir dans les romans. Il y a par exemple très peu de pages sur l'amitié ici, sur la convivialité havanaise, choses qui illuminent comme jamais l'oeuvre de Padura. Moins des confidences qu'un traité sur l'écriture à Cuba.
L'eau de toutes parts (Agua por todas partes, trad. Elena Zayas), ed. Métailié, 396 pages, 24 euros