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The killer inside me

Littérature noire

La ville dans le ciel : transhumanisme et futur selon Brookmyre

L'humanité dans quelques centaines d'années. En orbite; la Ciudad del Cielo est une immense station accueillant 100 000 personnes, deux immenses roues et un axe, dédiées à la construction des vaisseaux qui partiront un jour à la conquête d'une autre planète habitable. C'est un travail sur plusieurs décennies bien sûr, piloté par la Quadriga, conglomérat des plus riches entreprises terrestres et sous l'autorité, tout de même, de la Fédération des Gouvernements Nationaux. Une FGN qui envoie justement sur Ciudad del Cielo son jeune docteur Alice Blake pour prendre la tête de la sécurité. Cette station est réputée sans crimes, sans morts brutales, et d'ailleurs sans armes létales. Pourtant dès son premier jour de présence, le docteur Blake doit affronter le meurtre sophistiqué d'un technicien, visiblement torturé. Elle décide de faire appel à une  ancienne flic de Los Angeles, depuis quinze ans dans la station, Nikki Freeman, policière aguerrie qui mange aussi au râtelier du trafic d'alcools forts. Quand l'une parle d'honnêteté et de justice, la seconde évoque le besoin de décompresser et l'équilibre des forces. La station est supposée incarner le meilleur de l'humanité, des valeurs nobles qui s'exporteront mais l'heure est à la corruption des corps sinon des âmes. Et tout s'emballe quand une femme est découverte assassinée dans la chambre de Nikki. La rivalité entre contrebandiers d'alcool expliquerait ce regain de violences;. Sauf que des citoyens lambda semblent, eux aussi, pris de folie. Le dr Goncalves, neurobiologiste et gourou, manipule-t-elle tout ce monde suspendu ?
Une merveille. Chris Brookmyre se débrouille aussi bien à 400 kilomètres d'altitude autour du globe que dans les rues de Glasgow. Incroyable de voir avec quelle facilité l'auteur passe ainsi du polar à la SF sans sourciller. Cette Ville dans le ciel rejoint encore les grands thèmes de l'oeuvre de Brookmyre, à savoir l'exploitation des plus malheureux (ici des hommes et des femmes privés de droits, forcés de travailler à des conditions misérables), mais aussi la main mise des plus riches, s'octroyant, de fait, les plus beaux quartiers dans la seconde roue. Ecrit en 2017, le roman met également en lumière la privatisation de l'espace, le financement de la conquête spatiale par les grands groupes, afin d'être les premiers, un jour, sur une terre vierge.
Il est également question de transhumanisme avec des lentilles 2.0 qui ont remplacé nos téléphones portables pour communiquer mais aussi pour visionner toute l'information possible. Des lentilles capables de délivrer instantanément l'identité de la personne face à vous. Entre Terminator et la reconnaissance faciale à la chinoise. Mieux, un filet transplanté dans le crâne permet d'acquérir des savoirs à volonté. Et la question philosophique de l'inné, de l'acquis.
Enfin, l'auteur écossais s'autorise une nouvelle fois des héroïnes féminines. Il y avait Angélique de Xavia sur Terre (Petite bombe noire, Petit bréviaire...) mais il va ici encore plus loin puisque tous les premiers rôles sont tenues par des femmes, y compris les plus méprisables (bon, il y a aussi quelques hommes pas fréquentabls). Et cela fonctionne évidemment à merveille, au point que le lecteur ne se pose pas vraiment la question.
Cinq cent pages foisonnantes, aussi riches en actions qu'en questions sur notre avenir. La SF permettant aussi de dire certains choses que l'on ne trouve pas dans la littérature noire.

La ville dans le ciel (Place in the darkness, trad. Sébastien Guillot), ed. Denoël, 506 pages, 24 euros
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