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The killer inside me

Littérature noire

Les larmes du Reich : paysans drômois et putes de Pigalle

L'Histoire. Ses zones d'ombres. La France d'après-guerre. Les larmes du Reich offre une mortelle plongée dans une époque grise, dans un va et vient entre la terre généreuse de la Drôme et les trottoirs non moins généreux du quartier Pigalle. Et François Médéline a cette idée saugrenue de tenir son lecteur jusqu'au bout, ne révélant que des rognures de vérité, des copeaux d'une intrigue qui se termine en une scène dantesque.
Oui, après ces polars politiques, son thriller sur le Rhône, François Médéline semble avoir trouvé un univers où il peut exploiter autant ses recherches que sa plume un brin perverse.
L'inspecteur Michel est cycliste en cette année 51. Il grimpe (sur un Bianchi, comme Coppi ?) les vallées de la Drôme à la recherche de la petite Juliette, 11 ans. Il a appris que ses parents, les Delhomme avaient été sauvagement abattus au fusil il y a quelques jours dans leur ferme. Sur place, il imagine le scénario, touche les taches d'un sang désormais sec, relève les plombs ici et là. Mais de traces de l'enfant il n'y a pas. Il a beau interroger le voisin, ouvrier agricole, sa femme russe, personne ne sait où la gamine est partie. Un cachet de Pervitine dans le cornet, ses lingots d'or dans la sacoche, cet étrange policier va mener l'enquête. Interroger sur la soeur du père Delhomme. Puis une religieuse chargée de placer les orphelins juifs pendant la guerre. La véritable mère de JUliette serait donc toujours vivante ?
Si l'ouverture, à la ferme, est un poil longue, Médéline accroche immédiatement son lecteur avec personnage dément de l'inspecteur Michel. Collé lui cette ambiance de paranoïa du début des années 50, ces derniers remous de la guerre et Les larmes du Reich prennent une dimension magnifique. Sans tomber dans le piège du cours d'histoire, l'auteur tient son intrigue, à coups d'instants bien travaillés, que ce soit avec la fermière russe, dans la voiture de la maquerelle, ou chez la mère supérieure. On voit évidemment son affiliation à James Ellroy dans le personnage principal, dans quelques gimmicks "il prie, il prie et il prie encore... mais il pleure et il prie". Et on note surtout sa verve, ce qui fait sa voix dans des réflexions comme "les Russes ne respectent pas les règles de la guerre et préfèreront toujours l'enfer à la défaite. Ils ont fait pareil avec Napoléon. " Ou encore "les héros ont tué des innocents. Ils ont tondu des femmes, tué, pour des raisons vraies et pour d'autres plus viles, des fois pour la rancoeur, des fois pour un lopin de terre, des fois pour rien, pour prouver qu'ils étaient des braves. "
Avec cette scène ultime, western havrais inédit, Médéline conclu de la meilleure des manières ce fort et prenant roman noir. Les larmes du Reich ont le bon goût de proposer une histoire originale racontée par une voix originale. C'est déjà beaucoup.

Les larmes du Reich, ed. 10/18, 191 pages, 14, 90 euros
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