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The killer inside me

Littérature noire

Quais du polar 2022 : des rencontres, des sourires et des pintes

Superbe édition encore une fois de Quais du Polar à Lyon. Du moins pour ce que l'on y a vu et entendu. On y a pris un énorme plaisir, pour différentes raisons mais surtoutgrâce à une poignée de rencontres de haute volée, la marque de cet événement.
Quais du Polar, c'est du livre, de la littérature, des rencontres, et cela ne se fait pas forcément autour d'un thé citron. Le vendredi soir (désolé pour le retard assumé par EasyJet), c'est after by les éditions Sonatine dans un bar du centre ville. Les habituels de la squad médocaine sont là. Cocktails bizarres et bières françaises dessinent des sourires. Les auteurs tiennent le comptoir : Gendron, Ferey, Madani, Rutès, Médéline, Lespoux, Joy... ça picole et ça rigole en écoutant Black Sabbath ou Aerosmith. Rien de trop sérieux heureusement.
Samedi 10 heures, palais Bondy, sur les bords de la Saône, dans une salle Molière comme Lyon la bourgeoise sait en offrir, il y a débat sur les métropoles noires. Sur scène, le must : l'Ecossais Abir Mukherjee, le Chilien Boris Quercia et l'Anglais David Peace. Le tout animé, durant une heure, par Alain Léauthier, de Marianne. Du bonheur, de l'intelligence, de l'humour. Ne mentons pas, nous avons beaucoup écouté David Peace. Parce qu'on adore son œuvre, c'est une chose, parce qu'on adore l'homme, aussi exigeant que fragile. Il est donc revenu sur son Tokyo Revisité sorti le mois dernier chez Rivages. « J'ai voulu comprendre le Japon quand je m'y suis installé et pour moi, les crimes sont une façon de saisir un pays ou une ville. J'ai peut-être écrit trois ou quatre fois le roman avant de le jeter. Ce n'était pas bon. Je me suis mis à réécrire à la main des romans que j'aime, que je respecte en changeant de perspectives, d'angles. C'était des exercices de style. J'avais tout de même une forme de pression des maisons d'édition avec lesquelles j'étais engagé. L'écrivain japonais Akutagawa a eu une grosse influence sur moi et ce que j'ai écrit ce moment-là est devenu Patient X (pas encore traduit). Et ça, ça m'a permis de briser l'angoisse de la page blanche. Pour enfin écrire Tokyo Revisité. » La relation d'Abir Mukherjee est bien sûr différente avec sa ville totem de Calcutta présente dans ses trois premiers romans (chez Liana Levi) : « j'y suis allé toute mon enfance et je détestais et je ne m'y suis senti bien qu'à partir de quinze ans. C'est compliqué cette double culture que j'ai. A l'école, en Ecosse, on nous apprenait quel grand homme était Churchill et à la maison mon père me disait qu'il était responsable de la famine et de la mort de deux millions de personnes au Bengale. Calcutta c'est une ville très culturelle où les gens n'attendant que la fin de leur journée de travail pour écrire de la poésie que personne ne va lire ou faire des peintures que personne n'ira voir. » De son côté Boris Quercia (auteur chez Asphalte) évoquait le centre de Santiago colonisé ces dernières années par les migrants des autres pays d'Amérique du Sud, Péruviens, Vénézueliens, Colombiens, un centre-ville où l'on croise les putes à côté des prédicateurs et des ouvriers. «  On a construit des grandes tours, des ghettos verticaux on les appelle. Après le travail, les habitants font la queue pour l'ascenseur. A certains étages, il y a des femmes qui font de la restauration chez elles. D'autres se déplacent pour faire votre lessive. » Il a aussi été question de racisme, que ce soit à Tokyo ou à Santiago. Une rencontre passionnante, de haute volée.

Une heure plus tard, David Peace, qui confiait qu'il avait écouté la veille à la radio le mtch d'Huddersfield, était à la chapelle Sainte Trinité, en compagnie d'Irvine Welsh, Jérémy Fel et Benjamin Dierstein. Cette fois sur le thème : le style, le fond, la forme. « Je récite ce que j'écris à voix haute, avouait David Peace. Et bon ça peut poser des problèmes avec les voisins parce qu'au Japon les murs sont très fins ! » Dierstein rebondissait, en rendant hommage à Welsh et surtout à Peace : « je suis très attentif au rythme, je cherche le tatatata, tatata, tatatata, tatata. » Le débat a ensuite porté sur le poids de la musique, son influence dans leur écriture. Welsh, DJ au départ, a avoué avoir écrit des ballades qui sont ensuite devenues des récits. Tandis que Peace confiait ses début de guitariste et de song-writer dans le nord de l'Angleterre. Et tous deux influencés par les écrivains prenant la plume dans le New Musical Express. C'est ensuite qu'il sont allés lire les romans de ces écrivains. Peace a d'ailleurs confié que, un peu de la même façon, des années plus tard, l'adaptation ciné et le succès de The Damned United lui a permis de toucher un autre public qui s'est tourné entre autres vers son GB 84, roman auquel il semble particulièrement tenir.

Après l'édition de juillet, tenue sur les quais, QdP retrouvait le palais de la Bourse pour installer sa très grande librairie. Il ne faut se lasser de rien et toujours se pincer quand on voit tant de monde venir acheter des livres, chercher des conseils ou une dédicace. Côté auteurs, quelques défections, annoncées dans la semaine, Coben ou Grisham, annoncées seulement le samedi, De Cataldo, Lippman. Christine Ferniot en a profité pour animer une table ronde avec le seul David Joy et apparemment c'était une belle opportunité. Chris Brookmyre, prochain invité de Libiri Mondi broie du noir Luri dans un mois, nous faisait quelques confidences sur l'Ecosse, le rock, le foot (à lire plus tard).

A 18h30, Bruno Corty menait un tête à tête, toujours avec David Peace. Il a été question de ses goûts (Get Carter et Ted Lewis « nous allons le rééditer » assurait Jeanne Guyon de Rivages, ou encore Dora Suarez de Robin Cook, sans oublier le White Jazz du Dog). Puis, Peace s'est mis à lire des feuilles de Tokyo Revisitée. Et là, le sol a tremblé. Sa littérature possède une puissance orale hallucinante, proche de la transe. Cet auteur ne vient que tous les sept ou huit ans mais c'est toujours intense, riche.
Le temps d'un tour des librairies d'apprendre qu'Abir Mukherjee est fan de West Ham, que Frédéric Paulin travaille à fond sur un roman au Liban, que Artu Tuominen (Le serment) sorgtait un autre livre en France l'an prochain, de constater la taille de la file d'attente pour les dédicaces de Norek, Thilliez ou Minier et la nuit tombe sur Lyon. Comme les degrés. Le matin, il neigeait, à 20 heures, il glace. Les quilles de Beaujolais réchauffent tout le monde. Puis le dance-floor de la péniche, célèbre jusqu'à la Terre de Feu, prend ses aises. Soirée organisée par les éditions Points. Avec un DJ un peu léger mais personne n'était venu pour la musique de toute façon. A l'image de Sébastien Rutès, avec lequel on a pu évoquer le précédent et fabuleux Mictlan, son installation dans le nord de Londres et son attachement toujours aussi fort pour son club du Toulouse FC. Vers quatre heures, tout le monde se faxe dans son lit.

Dès 9 heures, Paul Hawkins anime une balade en bateau sur le Rhône. Et là encore, c'est blindé. Quasiment toutes les rencontres sont à guichets fermés. Le temps d'un déjeuner avec le triumvirat de Cédric Segapelli, le bloggeur helvète, et Benoit Philippon, Sébastien Gendron, Chrus Brookmyre et Deon Meyer se retrouvent, à leur tour, devant une centaine de personnes pour parler rythme et action. Et rapport au cinéma. Gendron reprenant les mots de Truffaut «  tout a déjà été raconté mais pas par moi. » Sur la façon de construire, Chris Brookmyre insiste sur la nécessité d'être très attentif lorsqu'il y a un twist au cœur de l'intrigue, tandis que Meyer expliquait que c'est comme conduire de nuit : on sait où on doit aller mais on ne voit pas plus loin que deux ou trois chapitres devant soi.

Le festival se terminait en douceur, Elliott Ackermann (Gallmeister), vétéran de la guerre en Irak, racontait à quel point son fabuleux roman 2034 avait été bien accueilli aux Etats-Unis. Encore deux, trois pintes avec Sébastien Wespiser (Agullo) et Solveig Touzé (librairie La nuit des temps à Rennes) et c'est fini. Et c'était encore génial.

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