Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

La main de Dieu : Soneri coincé dans un village "pourri"

Un cadavre rejeté par un torrent au coeur de Parme, des sangliers shootés à la cocaïne, deux millions à récupérer d'un héritage, une communauté réfugiée dans les montagnes... la nouvelle enquête du commissaire Soneri, si elle a des allures surréalistes présentée ainsi, est encore une fois un modèle de classicisme et de rigueur, teintée de cette amère nostalgie qui caractérise l'oeuvre de Valerio Varesi.
De ce cadavre, identifié comme le riche propriétaire d'une usine de bouteilles d'eau installée en montagne, les investigations vont conduire à un fourgon, puis à un village où vit son jeune propriétaire menuisier, puis à divers trafics de stupéfiants, orchestrés de manière inattendue mais très intelligente. Soneri va dérouler sa pelote comme d'habitude mais il va, surtout, se retrouver coincé dans le village de montagne après un énorme éboulement sur la route. Et tout le sel, toute la force du roman se trouve là : dans cette confrontation entre l'idéaliste Soneri et des villageois prêts à raser leurs montagnes, détruire leur forêt, pour une piste de ski et sa manne touristique. Contrairement aux Ombres de Montelupo, dans La main de Dieu (dixième aventure du commissaire, la sixième traduite en France), le village n'est pas un lieu paisible, de pureté rurale ou de bon sens paysan. Ce village de Monteripa regorge de viandards (mais bon, allez la chasse, on comprend) qui se désespèrent de ne pas attirer de vacanciers et préfèrent mettre dehors une communauté autonome, un peu hippie sur les bords, qui vit sur les crêtes, pour pouvoir installer un tire-fesse. C'est une opinion hostile qui accueille Soneri, des villageois qui font les pires saloperies à ceux qui s'opposent à eux : du menuisier au curé. Celui qui a clamsé sous le pont de Parme était leur leader. Mais pas que pour ce projet de ski. Pas que pour l'usine de bouteilles d'eau. Soneri découvre en effet plusieurs paquets de coke cachés dans des niches mortuaires vidées. Et puis encore dans les bois.
Ce coin des Appenins est devenu une route de la came. Une humanité pervertie en complète opposition à cette Nature que Soneri, contemplatif, admire chaque jour. Le curé ne cache d'ailleurs pas vraiment sa détestation de ces lieux et de ceux qui y habitent, " ce village est pourri. Il a rejoint son terminus, il nous faut un nouveau départ. " Les face à face du commissaire et de l'humble serviteur de Dieu sont l'occasion de belles joutes philosophiques comme les aime l'auteur.
Un Valerio Varesi toujours aussi humainement désabusé, attristé par la cupidité des hommes en passe de saccager un patrimoine extraordinaire. Heureusement, il a dans ses différentes assiettes des anolini au bouillon, des parpadelle au ragoût de sanglier, des maltagliatti, des tortelli aux blettes. Varesi demeure un héritier loyal, fidèle, exemplaire des Simenon, Camilleri ou Montalban. On aime ses contrariétés, son idéalisme, cette forme d'inadaptation à la société libérale et puis son désir pour Angela. Héros modeste du quotidien, Soneri incarne aussi un monde qui n'est plus. Ou presque plus. La main de Dieu est un nouveau très bon crû de cet auteur à a sensibilité débordante.
Un petit bémol peut-être sur la traduction. quand on parle de "bois pénombreux" ou de "vastité obscure". Heureusement pas de quoi entacher le plaisir.

La main de Dieu (La mano di Dio, trad. Florence Rigollet), ed. Agullo, 344 pages, 21, 50 euros
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article