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The killer inside me

Littérature noire

La ville nous appartient : enquête exemplaire sur les ripoux de Baltimore

D'un côté Baltimore, sur la côte Est, ville de plus de 550 000 habitants, à majorité noire,  dont un bon quart sont sous le seuil de pauvreté. Une ville qui affiche en 2015, 342 morts par ans, le  deuxième pire chiffre de son histoire. Une criminalité liée au trafic de drogues, des morts, essentiellement, par armes à feu. De l'autre côté, des dirigeants politiques, maires et préfets, qui veulent frapper un grand coup. Autant par conviction que par souci de réélection. En 2007, après avoir essayé plusieurs programmes de lutte contre le crime, le maire de Baltimore constate que le nombre d'interpellations ne fait pas baisser le nombre de morts. Il faut aller chercher les flingues, les calibres, les pistolet-mitrailleur. La Gun Trace Task Force (GTTF) est crée en 2007 avec des policiers en civil enrôlés pour leurs qualités sur le terrain, pour leur engagement. On les appellera "les cogneurs" .La première année, cette unité saisit la bagatelle de 268 armes, effectuant 41 arrestations. Positif. Mais très vite, la corruption va gangréner ce service. Un jour d'automne 2015,  quand l a DEA découvre un traceur GPS non signalé sous la voituré d'un trafiquant de drogue, un GPS acheté personnellement par un agent de la GTTF, le FBI prend l'affaire en mains et ouvre une enquête, une longue enquête des plus secrètes. Qui va se concentrer doucement sur l'agent Wayne Jenkins, né en 79, ex marine, considéré comme un superflic par sa hiérarchie et ses collègues. Le FBI va le suivre, lui, et sept autres membres de la GTTF. Et découvrir une énorme affaire de vols, de corruption, de fabrique de fausses preuves, de détournements d'argent. Les "cogneurs" ne font pas dans la simple bavure. Ils sont capables de glisser un sachet de drogue dans le véhicule d'un homme, juste pour motiver une perquisition chez lu, ils sont capables de surveiller la maison d'un dealer patenté pour le cambrioler et lui prendre argent et drogues, capables aussi de déposer une arme de leur crû dans la main d'un suspect mort. Ainsi, la bande à Jenkins va récupérer 10 000 dollars par ci, 20 000 dollars par là, partager les sommes folles de la drogue qu'elle récupère dans la rue. Cela dans un climat de plus en plus violent dans les rues de Baltimore qui s'enflamment au printemps 2015 après la mort de Freddie Gray dans un fourgon du Baltimore Police Department.
Tout ceci, le journaliste du Baltimore Sun, Justin Fenton le détaille avec une minutie extrême. Pour ce document incroyable qu'est La ville nous appartient il a rencontré plus de 200 personnes, des policiers, des victimes, des préfets, des élus, des familles aussi, des habitants de sa ville. Il en résulte un livre qui peu paraître austère mais qui a la sécheresse des grandes enquêtes sans pathos. La ville nous appartient ce sont 410 pages de faits chronologiquement déroules et de notes, de renvois à des sources. Ce travail, évidemment pas du tout romancé, est précieux, utile pour démontrer autant la folie d'un service de police livré à lui-même, d'une Justice qui a du mal à s'exercer, d'une population littéralement abandonnée aux gangs d'un côté et aux policiers corrompus de l'autre. Fenton touche ainsi une réalité des Etats-Unis. Pas celle du nature writing, pas celle des touristes, non une Amérique de l'injustice, d'un système libéral qui broie la population noire et pauvre qui n'a aucune perspective, aucune solution pour se sortir de la misère.

La ville nous appartient (We own the city, trad. Paul-Simon Bouffartigue), ed. Sonatine, 410 pages, 22 euros
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