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The killer inside me

Littérature noire

Les gens des collines : beau et misérable Kentucky

Morehead, c'est l'ouest du Kentucky, tout juste 7000 habitants dans le comté de Rowan. A deux heures de Cincinnati, deux heures de Lexington. Un peu paumé et maintenant un peu coincé entre une base militaire-prison qui s'étend et une université qui fait de même. La petite ville a bien changé ces vingt dernières années. Mais pas tellement les habitants des collines alentour. Enfin, ceux qui y vivent encore parce que les maisons abandonnées sont de plus en plus nombreuses au creux des vallons, au bout de routes oubliées, au sommet de crêtes invisibles. Mick Hardin va justement en vérifier trois, vérifier si personne ne s'y cache. Enquêteur réputé de l'armée, basé en Allemagne, il a obtenu une permission spéciale pour l'accouchement de son épouse restée ici. Et c'est sa soeur, Linda, première femme shérif du comté, qui lui a demandé un coup de main depuis la découverte du corps de Nonnie Johnson, au pied d'une petite falaise. L'autopsie a révélé des traces de strangulation, un rapport sexuel juste avant la mort, aucun signe de défense... Dans ce morceau de Kentucky où tout le monde se connaît, où la moitié de la population est apparentée et l'autre moitié est armée, il faut avancer avec doigté. Surtout quand un notable veut étouffer cette histoire.
Cinquième roman de Chris Offutt, Les gens des collines portent parfaitement son titre français en décrivant des familles explosées, disparues, malheureuses et globalement inadaptées à ce monde moderne. Un héritage de la vie du début du XXe siècle, petit à petit englouti par une société de plus en plus urbaine et une nature qui efface doucement les dernières traces. " C'était qui ces gens, dit-il. Les Gibson. - Jerry et Gayle Gibson. Ils étaient vieux quand j'étais encore gamin. Quatorze enfants ils ont eu. ( Il désigna le sol). Deux chambres juste là, une pour les garçons et une pour les filles. Monsieur et Madame dormaient derrière. - Qu'est-ce qui leur est arrivé ? - Le typhus a emporté la moitié des enfants. Les autres, ils sont partis. Une seule route, et ils l'ont tous prise. Pas un seul est revenu. - Un bel endroit avec une histoire brutale. "
Bel endroit parce que la prose de Chris Offut rend un doux hommage aux courbes de ces collines, aux lumières, aux plantes odorantes, aux oiseaux innombrables. Ce morceau de Kentucky abandonné, bordure des Appalaches, abrite désormais des vieux messieurs à la recherche de racines de ginseng, des familles resserrées autour d'une mère calibrée, des trafiquants de drogue à la petite semaine, des enfants adoptés et jamais acceptés. Avec un personnage principal aux prises avec ces propres tourments conjugaux, Offutt dessine des trajectoires tragiques, condamnées, dans une Nature généreuse. Le contraste est saisissant. Les gens des collines incarne lui aussi ce fameux rural noir, cher à Ron Rash, Woodrell, Joy et tant d'autres.

Les gens des collines (The killing Hills trad. Anatole Pons-Reumaux), ed. Gallmeister, 232 pages, 22, 50 euros
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