Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Panique générale : sexe, drogues et communisme à Los Angeles

Hasard des sorties, James Ellroy et David Cronenberg reviennent tous deux sur le devant de la scène à quelques jours d'intervalle. Deux génies dont on attend, chaque fois, le nouveau chef d'oeuvre, la nouvelle outrance. En sachant très bien que l'on ne pond pas un White Jazz ou un Crash tous les matins. Des artistes jugés à l'aulne de ce qu'ils ont faut auparavant, finalement, c'est bien naturel mais des créateurs qui, pourtant, restent largement au-dessus de la mêlée. Fin de la comparaison.
Avec Panique générale, James Ellroy poursuit ce qu'il a démarré avec Extorsion en 2014 : une vision cradingue, perverse, du Hollywood des années 50. Il ne mets pas ici l'ambition littéraire qu'il peut avoir sur son cycle Perfidia - La tempête : il s'agit plus d'un jeu avec ses lecteurs, d'un défouloir entre des faits réels et des fantasmes. Revoici, donc Freddy Otash, cette crapule que l'on avait aperçu dans Underworld USA et dans Extorsion forcément. Le type est au purgatoire et se confesse sur tous les trucs dégueulasses qu'il a pu faire. Et il y en a. La première des choses, qui le hantera pour le reste de ces jours, c'est d'avoir, alors qu'il était encore flic, froidement descendu Ralph Mitchell Horvarth, un type qui avait osé tirer sur un flic. Le meurtre est maquillé en tentative de fuite, d'agression. Mais lorsqu'Otash a tiré, il a bien vu le malheureux implorer pitié. Après une courte carrière dans le LAPD, ce ripou va obtenir une licence de privé et travailler pour Confidential Magazine, la feuille de chou qui ferait aujourd'hui passer Facebook pour un cloître de bénédictines ! Otash va traquer les pires ragots d'Hollywood. John Wayne qui se déguise en fille. Le sénateur Kennedy et ses éjaculations précoces. La toxicomanie d'Art Pepper. Les photos pornos de Marlon Brando. Freddy Otash a les infos, les preuves et il fait chanter, il tire profit ou bien il balance dans Confidential. Personnage ambivalent, il paye aussi sa dette à la veuve Horvath, déposant régulièrement des enveloppes de cash. Jusqu'au jour où elle est assassinée. Et il découvre alors qu'elle était au coeur d'un réseau de communistes.
Voilà pour le premier tiers de Panique générale, une première histoire comme une nouvelle. Qu'Ellroy lie, chronologiquement, avec la seconde affaire du tueur à la lumière rouge, Caryl Chessman. L'auteur aime bien la jouer rétrograde, en faveur de la peine de mort, c'est une des provocations qu'il affectionne. Et peut-être est-il même sincère dans cette conviction. Il va donc tout faire pour prouver la culpabilité de Chessman dans une troisième agression. Chessman, soutenu par des comités publics, menés, tiens !, par Marlon Brando. Le tout, mixé avec le tournage de La fureur de vivre et un James Dean qui tourne désormais le dos à son ancien ami Freddy Otash...
Panique générale se lit comme une version trash des paillettes hollywoodiennes. C'est méchant, c'est acide et c'est ce que l'on aime. Alors bien sûr, Ellroy ne force pas son talent. Mais il y a sa langue, il y a sa voix. Et qui hurle comme ça dans le paysage littéraire ? Là où sa série en cours nous perd parfois dans les méandres historiques, le nombre de personnages, Panique générale trace droit, sans slalom.

A souligner, l'excellente traduction de Sophie Aslanides qui prend la suite du grand Jean-Paul Gratias, lequel avait pris celle de Freddy Michalski. Un travail que l'on imagine assez fou...

Panique générale (Widespread panic, trad. Sophie Aslanides), ed. Rivages, 329 pages, 23 euros.
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article