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The killer inside me

Littérature noire

L'illusion du mal : un peu n'importe quoi... mais en Sardaigne

La vidéo dure cinq minutes et elle a été envoyée sur plusieurs dizaines de milliers de portables italiens. On y voit un homme masqué en retenir un autre, la bouche de ce dernier en sang. Celui-ci est un pédophile reconnu, Daniele Truzzu, tout juste libéré par la justice transalpine en raison d'une bête prescription des faits. L'homme au masque invite donc  les Italiens à un vote : s'ils le souhaitent, il se chargera de rendre la justice. Ils ont trois heures pour voter. Le résultat est massif, sans surprise et bien sûr, public.
Mara Rais et Eva Croce, les deux enquêtrices de la police de Cagliari, ont travaillé sur le dossier de ce criminel sexuel. Retrouver l'auteur de la vidéo avant qu'il mette sa menace à exécution parait impossible, pourtant il a laissé une signature : toutes les dents de Truzzu ont été arrachées et envoyées à l'une de ses jeunes victimes. Mais c'est insuffisant comme piste. Le ministère de l'Intérieur dépêche dans l'île, Vito Strega, un criminologue confirmé. Las, le pédophile est retrouvé égorgé dans la campagne sarde. Et la trash-TV italienne s'empare avec jubilation du sujet...
Avec ses 600 Pages, L'illusion du mal respecte comme il se doit les fondamentaux du thriller. Violences physiques, tueur insaisissable, personnages très marqués et rythme soutenu. Toutefois Piergiorgio Pulixi pousse un peu trop loin le curseur et tombe vite dans la caricature du genre avec des phrases comme " demander pardon aux autres est assurément plus simple que de se demander pardon à soi-même. " L'ensemble paraît boursouflé et c'est étonnant de voir l'auteur citer, en exergue, le styliste William McIlvanney, prince de l'élégance dans le polar.
Le premier hic de L'illusion du mal, c'est d'abord le sujet : cette justice populaire et cette charge assez violente de l'inefficacité et de la corruption de la justice italienne. On sait que Piergiorgio Pulixi ne partage pas les principes des ses tueurs mais il leur donne un peu complaisamment la parole et cela en devient parfois gênant. On pense immédiatement à Charles Bronson et son Justicier dans la ville. Et l'idée du masque renvoie aussi très vite au Joker et à la façon dont la population s'empare autant du maquillage que des idées.
Le deuxième souci c'est le personnage de Vito Strega. Un criminologue qui enfile les clichés avec une déconcertante facilité. Grand, musclé, beau, intelligent, ancien fusilier marin au Kosovo ("il pouvait se targuer d'être un vétéran de la douleur et de la souffrance humaine "), c'est un homme séparé de sa femme mais pas de son chat. Il écoute du jazz. Et puis il nage. Il nage si bien que dans une scène pleine de chlore et de maillots moulants, entraîneur se demande qui est cet homme dauphin. Et des femmes, émoustillées bien sûr, viennent même se rapprocher de la ligne de nage du criminologue. Le pire étant sans doute ce passage quand il va en boîte et se met à lire du Simenon...
Le troisième écueil, c'est la façon dont le Dentiste est retrouvé. Pas question de spoiler mais ce n'est tout simplement pas très sérieux, d'avoir ainsi une idée lumineuse au bout d'une semaine d'enquête et savoir que le Dentiste, sinistre personnage mais présenté comme précautionneux et intelligent, se fasse ainsi piéger, laisse rêveur.
Enfin l'idée d'insérer des langues régionales est excellente mais mettre du sarde, du sicilien, du vénitien, cela ressemble, à force, à un tic et, surtout, cela oblige le lecteur à se référer aux notes de bas de page.
Bref, cela fait beaucoup.

L'illusion du mal (Un colpo al cuore, trad. Anatole Pons-Reumaux), ed. Gallmeister, 600 Pages 25 euros.
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