25 Août 2022
C'est assez simple : Stéphane a coulé l'hôtel-restaurant qu'il tenait avec sa femme à Firminy. Les Gilets Jaunes ont foutu en l'air son entreprise de livraison et le voilà donc aujourd'hui à Pôle Emploi, à vivre sur le salaire de vendeuse de sa femme. Alors quand son oncle et sa tante vident leur appartement et lui lèguent le tableau d'un peintre juif qui appartenait au grand-père, Stéphane découvre toute une histoire de Résistance dans les années 40, de protection des Juifs qu'il ignorait. Cette peinture, signée d'Eli Trudel, un contemporain de Matisse, est la preuve que sa famille a réussi des choses. Pas comme lui. Son épouse, elle, voit les choses différemment et après une rapide expertise lui glisse que la toile vaut tout de même 100 000 euros au bas mot. Stéphane s'en fiche : fort de l'histoire de ses grands-parents, il part à Jérusalem, au centre Yad Vashem pour faire reconnaître ses aïeux comme des Justes. Noble tâche. Mais au bout de deux jours, les affaires tournent au vinaigre : le tableau fait partie des biens spoliés aux Juifs. Il est confisqué. Et Stéphane est prié, manu militari, de quitter le pays. Lui ne croit pas à cette débâcle honteuse. Son grand-père était un Résistant, un vrai. Il va donc chercher les derniers témoins de ce maquis des Cévennes. Déroulant la pelote des souvenirs, fouillant dans les archives des différentes associations historiques, des musées, il refait le chemin d'Eli Trudel, jusqu'à Toulouse, l'Espagne, Madrid. Certain de laver l'honneur des siens.
Roman de la mémoire, Le Tableau du peintre juif est également un roman de rédemption ou comment un petit-fils veut laver ses erreurs, se purifier, en installant ses grands-parents au firmament de la reconnaissance. Benoît Séverac mène avec brio sa barque, insistant sur le caractère tellement lambda de son personnage, aux prises avec son couple qui se délite, ses enfants qui s'éloignent et son livret A qui fond comme neige au soleil. Stéphane est monsieur Tout le monde, dans la France périphérique. Mais il voudrait faire quelque chose de bien, pour une fois se dit-il. Pourtant, ses deux filles ont réussi leurs vies. Sa femme l'aimait encore avant ses déboires qui l'ont plongés dans une sorte de dépresxsion.
Dans son style épuré, simple, collant au protagoniste, l'auteur utilise la première personne et le présent pour donner plus de consistance au récit. Mais il sait aussi capturer des atmosphères comme cette visite en Israël, aussi violente qu'hypnotique.
Le Tableau du peintre juif, documenté idéalement, est un roman de tous les jours, une histoire banale, transformée en quête. Il y a du Don Quichotte dans ce Stéphane. Difficile de ne pas succomber à ses rêves, de résister à ses certitudes. Un roman simple mais gorgé de petites merveilles d'humanité.
Le Tableau du peintre juif, ed. La Manufacture de livres, 296 pages, 20, 90 euros