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The killer inside me

Littérature noire

Dernière nuit à Soho : Fiona Mozley confirme son talent de conteuse moderne

A 34 printemps, Fiona Mozley, médiéviste née à Londres, passée par Cambridge, New-York et Buenos Aires, publie un deuxième roman qui confirme le bien que l'on pensait d'elle il y a deux ans, à la sortie d'Elmet. Utilisant une veine très réaliste, avec un soupçon de conte et des personnages en lutte contre l'injustice de la société moderne et, encore, de riches propriétaires.
Dans Dernière nuit à Soho, la question de la propriété est incarnée par Agatha, jeune femme d'origine russe à laquelle le père, richissime gangster, a laissé une fortune et plusieurs immeubles au centre de Londres, à Soho particulièrement. Comme Eva Dolan le dénonçait elle aussi dans Le coeur de Londres, la capitale britannique se transforme petit à petit, depuis vingt ans, en ghetto pour riches. Dans un des immeubles d'Agatha est installé un bordel autogéré par des femmes prostituées. Parmi celle-ci, Precious, et son amie, aide, femme à tout faire, Tabitha. Face aux hausses de loyer intempestives pour les faire partir, face aux menaces, elles vont entamer une série de manifestations qui vont attirer des foules et des médias.
Bien entendu que le fond politique est passionnant et terrifiant. Fiona Mozley ne prend d'ailleurs pas de gants en nous montrant une propriétaire perverse, sans pitié et prête à corrompre un chef de la police. Et de l'autre, une Precious, douce, mère de famille, ayant choisie ce métier en toute conscience, loin d'un quelconque trafic ou milieu criminel. C'est là que l'autrice est forte, en démontrant que l'illégalité n'est pas là où elle semble être. Cela peut paraître caricaturale mais c'est un peu plus fin que ça. Et puis Mozley a le chic pour peindre ces vies. Notamment, une bande de sans domicile fixe traînant dans Soho, " ils sont assis sur des palettes récupérées, des matelas rances ou à même le sol. Trainent là des seringues à des degrés divers de décomposition, leurs aiguilles couvertes de rouille, avec des traces de doigts crasseux sur les pistons. On aperçoit aussi des poches translucides utilisées comme préservatifs tachées de merde..." Il y a toujours chez cet autrice un aller-retour entre le conte et le roman social dur, une façon de, parfois, prendre de la distance avant de revenir à la réalité crue. Et puis, aussi, toujours, un peu d'humour british, " on peut acheter des actions de Manchester United. Quelle idée saugrenue. "
Roman passionnant sur la gentrification des grandes villes (après New-York, Londres, Paris...), Dernière nuit à Soho illustre le fossé qui se creuse toujours un peu plus entre les plus malheureux et les puissants de ce monde. Cela paraît neuneu écrit comme cela, mais quand c'est la plume de Fiona Mozley ça passe beaucoup mieux.

Dernière nuit à Soho (Hot stew, trad. Laetitia Devaux), ed. Joëlle Losfeld, 348 pages, 22 euros
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