3 Novembre 2022
" Ils sont en route pour détruire la ville..." En août 1863, le Kansas, ce n'est pas vraiment le Club Med. Dans un Etat qui cherche à rejoindre l'Union, les voisins du Missouri, profondément esclavagistes, mènent des raids sanguinaires. Et au coeur de la prospère ville de Provost, à l'est de l'état, Johnny Seton est venu de son Ohio pour tenter de reconquérir Mary, son amour d'adolescence, parti avec Polk Cantrell, aventurier devenu chef des guerilleros du Missouri. Polk et Johnny se sont connus là-bas dans l'Ohio, une forme d'amitié était née, jusqu'à ce que le premier s'enfuit et se marrie avec sa promise. En ce mois d'août 1863, les deux hommes sont chacun d'un côté de la barrière. Johnny, homme raisonnable, honnête, peu querelleur, doit se dresser contre Polk, à la tête de trois cents pillards, avinés et haineux. Incendies, lynchages, cavalcades, politique aussi, L'escadron noir, c'est santiags et Colt navy, mustangs et indiens Delaware. Une merveille d'immersion à la fameuse Frontière, au moment d'un épisode traumatisant qui précéda la Guerre de Sécession.
Parce que William R. Burnett est connu pour ses polars tels Little Caesar, moins pour ses romans western qui ont pourtant nourri l'imaginaire de millions de lecteurs américains. L'escadron noir est carrément un inédit. Le film de Walsh parle aux cinéphiles mais le roman dont il est tiré n'a jamais été publié en France. Une terrible erreur auourd'hui réparée. Parce que ce chapitre de l'histoire US est d'une rare violence, illustrant les déchirements de cette société en gestation. Parce que Burnett y insère à merveille une touche de romantisme avec cette Mary, amoureuse de Polk ou de Johnny, elle ne sait plus trop elle-même. Burnett choisit d'appeler sa ville Provost, son chef de guerillero Cantrell mais il s'agit bien du massacre de Lawrence et du triste Willian Quantrill qui ce matin-là tua 180 homes et garçons et brûla 25% de la ville. Le roman est magistral, épique, fait de grands espaces et d'hommes fous. Pour ne rien gâcher, Thierry Frémaux offre une postface aussi intéressante qu'émouvante, évoquant le souvenir de son ami Bertrand Tavernier, initiateur de cette collection "L'ouest, le vrai", tout en comparant, si c'est possible, le roman avec le film de Walsh. L'amateur de polar y retrouvera ses petits dans l'affrontement du bien et du mal, jamais vraiment bien définis, avec aussi cette ville, ses notables... et ses petits chiens.
L'escadron noir (The dark command, a Kansas illiad, trad. Fabienne Duvigneau), ed. Actes Sud, 387 pages, 23, 50 euros