31 Décembre 2022
Déstabilisant et radical, le recueil La langue d'Altmann est l'un des premiers écrits de Brian Evenson, en 1994. Près de trente textes, parfois sur une page, parfois sur une soixantaine, dans des thèmes très différents mais avec, tout de même, une même provocation, l'envie de perturber le lecteur. S'il fallait rapprocher La langue d'Altman du cinéma, on serait entre Werner Herzog (Le vide, Une mort lente) et David Lynch (L'affaire Sanza). Il n'est guère aisé de résumer un tel recueil sinon pour livrer des impressions ambigües d'inconfort et de trouvailles géniales. Brian Evenson a ce souci de sortir le lecteur de son fauteuil, de son canapé et de le frotter doucement dans une boue parsemée de gravier et de tessons de bouteille. Il a aussi, lui l'enfant mormon, le souci de régler ses comptes avec la religion avec une longue nouvelle qui met en scène un Job, tout en os et en réflexion philosophico-bûcheronne.
Des années plus tard, avec La confrérie des mutilés, dont on ne se remet jamais, il condensera toute sa réflexion sur Dieu et son goût pour les corps meurtris.
La langue d'Altmann est d'une grande violence, d'une belle perversité mais cela raconte surtout des instantanés de psychopathie, dans Elle : ses autres corps, récit de voyage, cauchemardesque road trip en démonte-pneu ou encore La fenêtre de Munich, et son suintant inceste. C'est certain : on ne boit pas le thé en lisant Brian Evenson. A noter la traduction efficace de Claro.
La langue d'Altman (Altman's Tongue, trad. Claro), ed. 10/18, 8 euros, 279 pages