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The killer inside me

Littérature noire

Bois-aux-Renards : Antoine Chainas toujours déstabilisant

C'est un roman indéfinissable, aussi poisseux qu'érudit, aussi violent que provocateur. Bois-aux-renards, le dernier roman d'Antoine Chainas, demeure bien dans la lignée du dément L'empire des Chimères, avec cette Anna qui pourrait être une cousine de la précédente Edith.
En 1986, dans un coin obscur de France, comme souvent chez Chainas, Anna a onze ans et un petit retard mental. Avec sa mère, elles fuient, de campings en campings, deux hommes menaçants en Mercedes noire. Un jour qu'elle part en promenade, seule, elle tombe sur un combi Volkswagen. En regardant par la vitre, elle aperçoit un homme en train d'étrangler une prostituée, sous les yeux d'une seconde dame. Anna ne le sait pas encore mais elle vient de croiser la route d'un couple de tueurs en série, Yves et Bernadette, deux employés de grande surface plutôt détraqués. L'homme s'aperçoit qu'il est surveillé dans son ouvrage, se rue dehors à la poursuite d'Anna qui court à travers champs et maquis. Yves et Bernadette poursuivent leur périple meurtrier, s'en prennent à une jeune paysanne qui se révèle d'une force surnaturelle et leur cause bien du tracas. Perdu dans ces collines, à la tombée de la nuit, le couple trouve abri dans un triste hameau chez Admète et Hermione, deux personnes âgées inquiétantes, un peu glauques.
La lecture de Bois-aux-Renards n'est pas sans écueil. Antoine Chainas aime prendre son temps pour décrire, pour sentir, pour observer. Il n'est pas homme à écrire trop directement. Il faut accepter ses pleins et ses déliés. Bois-aux-Renards est aussi un roman d'une violence ritualisée, celle d'Yves et Bernadette, et d'une violence culturelle, celle des habitants du hameau. Aucune des deux n'est épargnée au lecteur qui doit avaler des os brisés, des liquides rachidiens en longues coulées, des râles finaux. Enfin, et c'est parfois un écueil difficile à surmonter, il y a tout un vocabulaire savant, parfois technique dont l'auteur se repaît. Antoine Chainas, on le comprend bien ici avec certaines scènes autour d'Admète, veut rendre sa force au verbe, au conte. Parfois, il pousse le bouchon loin. Les asperges qui "s'anastomosaient ", les " gélivures ", " la langue bifide d'un anoure ", " une élision ", " les hémisyllabes des grillons ", " une atélectasie ", " un égipan ", " la lipofuscine ", " des éons ", " synecdoque ", " des nuées de syrphes "... bref, c'est plutôt soutenu, parfois embarrassant pour la narration même si cela sert, on le comprend, l'objet du roman, sa dimension un brin médiéval, rural surtout et son aspect conte animal.
In fine, il est très difficile de se faire une opinion bien tranchée sur ce nouvel opus de Chainas, auteur complexe, aimant prendre à contre-pied les définitions toutes faites, et déjouer les genres. Bois-aux-Renards reste d'une inventivité folle et d'une ambition incroyable. Et rien que pour ça...

Bois-aux-Renards, ed. La Noire, 514 pages, 21 euros
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