Littérature noire
5 Janvier 2023
Le récit de L'Antre se déroule-t-il avant ou après Immobilité ? Dans tous les cas, l'humanité est arrivée à une sorte d'impasse. Au fond de son bunker, un être moult fois copié, énième version de ce qui fut un homme, ne connaissant même plus son nom, doit sortir à la surface trouver du "matériau" pour pouvoir se dupliquer et assurer la continuité. Après de vagues échanges avec le Terminal, entité électronique qui garde une forme de mémoire, X enfile sa combinaison protectrice et affronte l'extérieur pour aller chercher Horak, le dernier homme " en vie ". Enfin, presque en vie. Il revient d'un long sommeil, d'une nuit congelée. Et veut savoir ce qui se passe dorénavant sur Terre, qui est cet être en combinaison devant lui ?
Plus introspectif qu'Immobilité, L'Antre va aussi plus loin dans le questionnement sur l'humanité et ce qu'elle est, ou peut être, fondamentalement. En usant de la première personne, Brian Evenson impose aux lecteurs de partager les remous de X, sa peur de ne pas pouvoir accomplir sa mission : se dupliquer. Bien sûr qu'il a le subterfuge du Terminal, qui lui sait ce qu'est une "personne" véritable. Toute l'ambiguïté flippante est là : quand et comment X va-t-il se rendre compte qu'il n'est qu'un ersatz d'homme ? Et est-ce que ce sera cela notre fin : des sortes de corps modifiés, aux fluides curieux, capables de ressouder des membres ?
Il faut saluer ici, l'ambition des éditions Rivages et Quidam pour avoir proposé ces deux textes de SF qui se complètent et se répondent et offrent la vision d'un auteur décidément à part, un peu barré et surtout génial. L'Antre et Immobilité sont deux facettes de la pensée d'Evenson sur l'avenir de l'espèce humaine, ce sont aussi deux grands cris de terreur.
L'Antre (The warren, trad. Stéphane Vanderhaeghe), ed. Quidam, 110 pages, 14 euros.