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The killer inside me

Littérature noire

La Vallée des Lazhars : chroniques d'un été dans l'est marocain

Ah l'été de nos vingt ans ! Orfèvrerie de battements de coeur, de soleils éblouissants, de nuits infinies, de rires sincères. Et d'amours. Amir Ayami est né en France, de parents marocains. Cela fait six ans qu'il n'a pas remis les pieds au village. Là-bas, au fond de l'est marocain, à deux jets de pierres brûlantes de l'Algérie, dans la vallée des Lazhars. Il a maintenant hâte de retrouver toute cette partie de sa famille, Sayad et Zarah, ses grands-parents, mais aussi ses oncles, ses tantes. Et surtout Haroun, son cousin, né le même jour que lui, la même année, le partenaire de ses étés d'enfance, son double, son confident. Pourtant du temps à passer depuis son dernier séjour et il ne retrouve pas le clan Ayami tel qu'il l'avait laissé. Zarah, vieille femme décharnée, perd désormais la tête. Sayad rumine ses aigreurs. Et surtout Haroun a disparu depuis longtemps, parti faire le trabendo, ces trafiquants en tous genres entre les frontières. La bonne nouvelle c'est que Farah, sa cousine, soeur de Haroun va se marier cet été. Bonne nouvelle relative puisqu'elle épouse un membre du clan honni des Hokbani ! Un mariage d'amour, un vrai. Mais tout de même ! Avec un Hokbani. Un après-midi de sueur, en se rendant à un tournoi de foot, Amir croise le regard de Fayrouz, jeune fille tout en miel et khol. Elle aussi Hokbani. Amir n'a pas le temps de reprendre sa respiration que son cousin fait son retour. Embrassades, souvenirs, temps à rattraper. Les festivités du mariage peuvent démarrer. Amir, avec son arabe hésitant, se fait une petite place, capte quelques bribes de conversations et profite de la beauté infinie de cette vallée perdue. Quand Haroun lui avoue sa relation secrète avec Fayrouz,, il ne sait pas s'il doit être anéanti ou heureux pour son cousin. Mais les choses vont se compliquer. Parce qu'Haroun est né de la tempête, c'est un jeune homme imprévisible dans un monde très codifié, très protocolaire. Cet été des vingt ans ne sera pas de tout repos.
C'est un premier roman et c'est un splendide voyage. Avec La Vallée des Lazhars, Soufiane Khaloua emmène le lecteur dans le Maroc du milieu des années 90 (il y a des R18 donc, plus ou moins, c'est cette époque non ?), dans une campagne aride, faites d'oueds et de fermes, de familles nombreuses et solidaires. Enfin, solidaires mais par nécessité. Pour vivre. Ou survivre. Une campagne qui a ses rites, ses codes, qu'Amir - dont on devine la proximité avec l'auteur - tente de s'approprier ou de se réapproprier. C'est ainsi un roman sur l'identité. Sur la richesse des racines. Tout comme un roman sur l'évolution inhérente à toute civilisation. Il y a d'abord Farah, femme tout sauf soumise. Et puis Haroun, sorte de rebel without a cause, de l'est marocain. Danseur, beau parleur, charmeur, canaille aussi. Il bouscule les codes et cela en fait enrager certains. Mais pas forcément son père qui a depuis longtemps accepté le caractère de ce fils adoptif.
Emouvant, La Vallée des Lazhars contourne tous les clichés du genre, offre un été brut, fait de ciels étoilés, de nattes sur le sol, de semoule sucrée et de familles serrées. Soufiane Khaloua parvient à saisir la beauté et la complexité de cette double nationalité avec le regard d'une jeune homme de vingt ans qui veut juste profiter de tout ce que la vie peut lui offrir. Il y a de la rudesse dans le roman mais aussi beaucoup de candeur, de fraîcheur.

La Vallée des Lazhars, ed. Agullo, 279 pages, 21, 50 euros
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