14 Février 2023
"...les éditions Penguin Random Books peuvent confirmer qu'elles ont décidé d'un commun accord avec M. Knox de mettre un terme à leurs relations professionnelles..." " Des questions légitimes sont apparues concernant la validité de ma participation à ce projet, des questions auxquelles je me ferai un plaisir de répondre le moment venu. Malheureusement elles se sont accompagnées de d'accusations calomnieuses, de représentations biaisées et répugnantes de ma personnalité, et de menaces visant ma famille " (Joseph Knox)
Mais dans quoi s'est donc fourré l'auteur des formidables Sirènes, Chambre 413 et Somnambule ? Une drôle d'histoire de disparition. A Manchester bien entendu. C'était en décembre 2011, quelques jours avant Noël. La jeune Zoé Nolan, 19 ans, étudiante mignonette, s'évapore dans la nuit. Plusieurs mois après les faits, une amie de Joseph Knox, Evelyn Mitchell, autrice d'un premier roman prometteur, décide de mener une enquête en interrogeant les parents et les proches de Zoé. De la soeur jumelle, Kimberly, personnage central, vilain petit canard de la famille, à Andrew Flowers, fils de très bonne famille et boyfriend béta de Zoé. Et il y a aussi la confidente, le confident, un ami d'Andrew mais surtout le père, Robert Nolan. Le type qui a raté sa vie par excellence : ex-musicien devenu plombier, il imaginait Zoé, dotée d'un beau timbre de voix, au sommet du show-business. Il a tout fait pour l'encourager, lui payer des cours. Un peu obsessionnel le pater. Mais le jour où elle passe son audition pour la prestigieuse école de musique de Manchester, elle foire. Et ça, le père le vit mal. Alors sa disparition, c'est carrément la foudre. Il remue ciel et terre, excite les forces de police, invite les médias... et au bout de quelques mois, fonde même une fondation pour aider les jeunes étudiantes dans leurs cursus. Tout cela Evelyn Mitchell l'enregistre patiemment. Et Joseph Knox, destinataire de ces sons, les met donc en forme, les uns derrière les autres, chronologiquement : il y a la jeunesse de Zoé, il y a l'arrivée de Zoé dans cette tour d'habitations pour étudiants, il y a les premières semaines d'études et de fiestas, puis le soir de la disparition. Chaque personnage va donner sa version, faire ses hypothèses... et cracher un peu sur le voisin ou la voisine. Dans des échanges de mails, reproduits entre les chapitres, Evelyn Mitchell confie à Joseph Knox qu'elle pense toucher au but. Que son téléphone se met à sonner la nuit. Et que le cancer dont elle pensait être guérie semble refaire surface.
Joseph Knox est un diable d'auteur et joue vicieusement avec les nerfs de ses lecteurs. True crime story ressemble à ces émissions de reconstitution des faits divers (il s'en tourne une d'ailleurs dans le roman), mi-reality-show, mi investigation. En cassant ainsi une narration classique qu'il maîtrise habituellement très bien, l'auteur se permet de porter un regard critique sur cette façon de traiter le fait divers, cette volonté des médias de creuser des dossiers en privilégiant le clash, le spectaculaire, la phrase assassine. Knox est toutefois encore plus inventif puisqu'il parvient à apparaître au coeur même de cette histoire, offrant ainsi une mise en abyme un brin vertigineuse et savoureuse. True crime story, désarmant au début, parfois flippant sur cette jeunesse british, est tout simplement jubilatoire, confirmant le talent de cet Anglais d'à peine 42 balais. Et évidemment, la traduction de Jean Esch, est, une nouvelle fois, faramineuse.
True crime story (trad. Jean Esch), ed. du Masque, 414 pages, 22, 50 euros