Littérature noire
8 Mars 2023
Il y a un tourisme éthylique sérieux, documenté, dans l'oeuvre d'Alan Parks. Ses romans ne trimballent pas le lecteur de plage en plage forcément, ni même de fins restaurants en exquis bistrots, ni même dans des musées. Non, à Glasgow, Parks fait visiter les pubs, estaminets plus ou moins hospitaliers. Il y a L'Imperial, un des pubs les plus agréables à l'embouchure de la Clyde. Il y a le Peep Peeps, déjà plus "miteux" selon l'auteur. Le Corn Exchange aussi. Sans oublier l'Edrom, " de nombreux pubs de Glasgow étaient surnommés le coupe-gorge... dans le cas de l'Edrom, le surnom était à prendre au sens littéral. " L'Admiral, dont paraît-il, " la bière n'est pas mauvaise ". Le Victoria. Le Lauder's. Et le Paul Jones, où se conclut Les morts d'avril, dernière aventure donc de l'infatigable et toujours assoiffé Harry MacCoy.
Après trois aventures en 1973, le voilà en 1974 cet anti-héros tout cabossé. Une bombe vient d'exploser dans un appartement de Belfast. Le présumé manipulateur de l'engin a refait la déco avec les restes de son corps. Etrange tout de même, car l'IRA n'a pas l'habitude d'oeuvrer dans la ville. MacCoy a juste le temps de faire les constatations : il doit filer à la prison pour la sortie de son vieil ami de pensionnat, cette crapule de Stevie Cooper. Il s'y rend en compagnie de Steward, un Américain, ancien capitaine de vaisseau, inquiet que son fils, marin également, n'ait pas donné signe de vie depuis 24 heures. Voila que, dans la foulée, Steward et Cooper se trouvent une passion commune pour la boxe, un concurrent de Cooper tente de le poignarder en plein repas, une deuxième bombe explose dans une église, un ancien flic en Irlande est menacé par l'IRA et tout s'embrouille pour le pauvre MacCoy qui doit soigner son ulcère (s'il buvait un peu moins aussi) avec une sorte de Gaviscon en bouteille des années 70.
Cette série d'Alan Parks est une vraie douceur de polars, renvoyant à tous les codes du genre sans frémir. C'est du classique assumé, ficelé à l'ancienne, avec le flic lié à des voyous, la belle nana (elle aussi qui aime la picole), le méchant bien méchant, le complot suprémaciste débile et de la baston. Cette fois, Harry MacCoy en prend un peu moins dans les gencives mais d'autres encaissent pour lui. Comme toujours avec Parks, il est question de musique, à travers un vinyl ramassé ou le juke box d'un pub. Il y a du Creedence, du McCartney et puis Waterloo, tube de cette année-là, par Abba. Mais pas certain que l'auteur partage l'enthousiasme populaire pour ces 2 mns 40 scandinaves...
Les morts d'avril poursuit parfaitement les aventures d'Harry MacCoy, avec ce souci du rythme, cette volonté, pas commode, de ne pas se répéter, tout en gardant l'essentiel des personnages (de Cooper à Wattie ou Murray). Encore une fois, le vrai bonheur c'est de naviguer une pinte dans une main, un double whisky dans l'autre, d'allumer des clopes toutes les quatre pages, bref, de faire revivre avec un vrai talent une époque. Tout en regardant en face, une ville de Glasgow toujours aussi pauvre, toujours aussi violente.
Les morts d'avril (The April dead, trad. Olivier Deparis), ed. Rivages, 442 pages, 23, 50 euros