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The killer inside me

Littérature noire

Corse en prison : trente ans de taule à travers l'hexagone

Les livres de voyous, de braqueurs soulèvent toujours quelques cris d'orfraie, des réactions indignées de la ligue des carré Hermès, du genre " on ne devrait pas donner la parole à ces gens-là, ils ont fait assez de mal ". Sauf que si on prend un livre comme ce Corse en prison, par Michel Ucciani, on y apprend sans doute bien plus de choses sur la France de ces trente dernières années que dans la dernière production de Marlène Schiappa.
Alors certes, Michel Ucciani écrit avec ses mots. Ce n'est pas que ce soit grossier ou injurieux non, c'est simple, basique. Il n'a pas la prétention de réécrire Le Comte de Monte Cristo mais plutôt de livrer un témoignage sur ses conditions d'incarcération, de 1978 à 2018. A Ajaccio, Fresnes, Les Baumettes, Béziers, Vannes, Nantes, Luynes, Salon, La Santé, Arles, Strasbourg, Aiton, Nîmes, Ville les Maguelones, Digne, Nice, Borgo, Draguignan... c'est un peu le Guide du Routard des Quartiers d'Isolement, des cours, des salles de muscu, de la cantine.
Plus sérieusement, l'insulaire, un temps fiché au grand banditisme, a écrit ce récit à l'assassinat d'Yvan Colonna, son ami du temps du FLNC, il y a un an dans la prison d'Arles. Michel Ucciani raconte la montée du communautarisme à la fin des années 90, comment la solidarité, le respect ont peu à peu quitté les centres de détention, les maisons d'arrêt, entre des musulmans radicaux de plus en plus exigeants et des jeunes de cité, ingérables, défoncés au shit toute la journée. Il y a quelque chose du film Le Prophète dans l'observation du braqueur. Le second aspect très important sur lequel il insiste, c'est l'absence de projet de réinsertion proposé entre les murs : la plupart des formations qu'il a suivies sont qualifiées d'inutiles sinon pour gagner quelques mois de remises de peine.
Côté anecdotes, en trois décennies d'aller-retour, oui, Michel Ucciani, défendu à une époque par maître Dupond-Moretti, a croisé quelques grandes figures du banditisme ou pas, comme le prince Victor-Emmanuel de Savoie (si, si), Dédé Bousquet de la French, Michel Ardouin dit " le porte-avions", Doumé le Chinois, Jean-Marc Rouillan d'Action Directe. Au gré des repas, des cellules partagées, il raconte de brèves histoires, aussi drôles que tragiques. Il raconte surtout la vie à l'intérieur, la nourriture immonde, le froid à Strasbourg, les punaises dans les lits, les rats qui sortent des toilettes, les douches rares au début, les brimades de certains directeurs d'établissement. Corse en prison est un témoignage utile, peut-être subjectif mais forcément proche de la réalité.

Corse en prison, ed. La Manufacture de livres, 298 pages, 19, 90 euros
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