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The killer inside me

Littérature noire

Le silence : retour ou révérence réussis pour Lehane

Un personnage très fort, celui de Mary Pat Fennessey. Là, Dennis Lehane, quand il veut, il sait faire. Cette Irlandaise a perdu un mari, s'est fait larguer par le second et, à 42 ans, elle a aussi un fils mort d'overdose et sa fille qui vient de disparaître un samedi soir de cet été 74. Et Mary Pat n'est pas abattue, bien au contraire : elle est furieuse. Parce que, deuxième qualité de Lehane, elle vit dans le Boston des HLM, quartier populaire pour ne pas dire miséreux, avec ses amitiés imbriquées depuis la naissance, ses commérages et surtout, sa hiérarchie criminelle. Enfin, re-belote et dix de der, l'auteur de l'inoubliable série Kenzie-Gennaro sait retranscrire une époque historique, et précisément ces mois-ci de la déségrégation. On n'a pas écrit Un pays à l'aube sans avoir un minimum cette fibre pour les recherches, la documentation et en faire un décor saisissant, réaliste. Bref, Le silence, soyons clair, réconcilie les fans de Dennis avec les fans de Lehane. Parce qu'il est vrai que Moonlight Mile et la novellisation Quand vient la nuit étaient plutôt indignes. Là, il y a du solide, même si le thème des enfants disparus, aux Etats-Unis, a été rebattu mille fois. Cette communauté irlandaise avec ses vieux réflexes, cette sorte de servage ( "on a un code ici. On vit et on meurt selon ce code") offre un effet miroir détonnant avec la communauté noire que Mary Pat va rencontrer pour sa visite de deuil après le meurtre raciste d'un jeune dans un métro du quartier irlandais. Il est question de haine raciale évidemment mais en une scène très réussie, Lehane, montre cette mère et ce père noirs, endeuillés mais d'une rare énergie, vindicatifs, prêts à aller au conflit. Une opposition entre des Irlandais, demeurant sur leurs rites ancestraux, et ces afro-américains qui veulent justement bousculer les conventions.
L'intrigue sur le meurtre du jeune noir est peut-être moins bien ficelée. Notamment avec ce personnage d'inspecteur de Bobby Coyne, pas exempt de clichés et dont l'histoire d'amour est à peine intéressante, surtout un prétexte à mettre noir sur blanc quelques principes philosophiques...
La question est de savoir si Dennis Lehane a repris une place au grand banquet du roman noir. Le silence n'est ni une gifle, ni un chef d'oeuvre total de la part d'un homme qui a écrit Un dernier verre avant la guerre, Gone, baby, gone, Un pays à l'aube ou Shutter Island. Il faut tout de même mettre l'oeuvre en perspective non ? Gallmeister a sans nul doute réussi un joli coup en récupérant l'auteur de chez Rivages mais il se dit déjà que ce serait son ultime roman, la télé, et les séries, occupant bien plus l'esprit de l'auteur. Dommage.

Le silence (Small mercies, trad. François Happe), ed. Gallmeister, 444 pages, 25 euros)
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