Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Tokyo Detective : des yakuzas, toujours, et le scandale Fukushima

Jake Adelstein revient. Mais c'est peut-être la dernière fois si l'on se réfère à la fin de ce quatrième livre. Le journaliste américain, désormais âgé de 54 ans, paraît avoir donné une autre direction à sa vie, même si celle-ci se déroule toujours au Japon. Déjà, dans ce Tokyo Detective, il a en partie posé sa carte de presse pour prendre celle de détective. Pour tous ceux qui ont lu et adoré Tokyo Vice, ce nouvel opus sera sans doute moins déstabilisant, moins fou. C'est un trompe l'oeil : Tokyo Detective est passionnant et surtout plus personnel. L'Américain né au Missouri y confie ses amitiés tragiques, que ce soit avec son mentor avocat bizarrement mort aux Philippines, ou avec son amie Mitchiel Brandt. Il révèle aussi sa maladie. Enfin, il parle librement de son cheminement bouddhiste. Cela peut paraître anecdotique mais donne finalement beaucoup de chair au texte.
Par ailleurs, Adelstein n'y va pas de main morte lorsqu'il explique l'infiltration des yakuzas dans le milieu économique. Parce que dans le Japon du milieu des années 2000, désormais le business est très regardant sur les partenaires. Et le gouvernement aussi. Petit à petit, les lois se sont durcis vis à vis du milieu criminel. Donc l'auteur, détective, doit, pour de riches clients, mettre à jour tous les patrons connus ou cachés de certaines entreprises. Certaines pages très techniques sont parfois un peu longues mais il est vrai que le système d'achat de noms d'entreprises est assez complexe au Japon et les paravents sont nombreux pour blanchir de l'argent. Le récit emporte le lecteur jusqu'à un moment fort du livre : les pachinkos. Ces machines à sous totalement exotiques qui rendent accros la moitié des Japonais et génèrent un chiffre d'affaires démentiel (200 milliards d'euros en 2003 ! Dix fois plus que les courses de chevaux et à peine moins que l'industrie automobile). Cette longue enquête est l'occasion aussi de revenir sur le racisme anti coréen dans le pays. Adelstein en raconte les racines mais aussi les systèmes de pression, de chantage de la Corée du Nord vis à vis de ses citoyens installés au Pays du Soleil Levant. Un peu hallucinant.
Autre grosse partie du livre : Fukushima. Et là, l'enquête purement journalistique est exemplaire. L'auteur souligne tous les manquements de Tepco, comment l'entreprise monopolistique a "arrosé" les gouvernements successifs, comment elle achetait des pages de pub dans la presse pour éviter les enquêtes, bref, comment la catastrophe était prévisible, annoncée. Surtout, Jake Adelstein explique que le réacteur numéro 1 était entré en fusion dès la secousse sismique et n'a pas attendu le tsunami. Cela en raison d'un système de refroidissement obsolète, vieillissant.
Outre son combat, très tendu, par livres interposés, avec l'ex-yakuza, toujours dangereux, Tadamasa Goto, l'auteur laisse clairement entendre que ce monde du crime organisé typique au Japon est en net recul, au moins dans ses effectifs. Un livre fort et, finalement, assez unique dans son genre.

Tokyo Detective (Tokyo Private Eye, trad. Doug Headline), ed. Marchialy, 361 pages, 23 euros
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article