16 Mai 2023
Elle était petite et émaciée, ses bras ressemblaient à des brindilles constellées de marques de piqûre. Elle portait un haut aux épaules dénudées tout poisseux avec le mot Ananas !, imprimé, sans rien en dessous, et un legging maculé de cendre de joint et autre tâche. " Rarement on aura lu un personnage de maman junky-alcoolo aussi troublant que dans le Voyous de Doug Johnstone. Façon Trainspotting trash, au coeur d'un HLM de quinze étages à Edimbourg. L'environnement social, urbain, est le coeur de ce roman noir écossais tout en déterminisme, déveine et violences les plus diverses. L'auteur y va fond et le lecteur ne peut pas lui reprocher son réalisme, bien au contraire.
Tyler a l'âge d'aller au lycée mais surtout celui de s'occuper de sa jeune soeur, Bean. Avec une maman stone du matin au soir, il doit assurer les repas, les trajets à l'école, les jeux et, à la nuit tombée, la petite sortie sur le toit de l'immeuble pour observer les étoiles. C'est beaucoup. Mais le pire, c'est son dingue de demi-frère, Barry, qui habite l'appartement voisin : camé, violent, c'est un cambrioleur compulsif, du genre à dévaliser les riches demeures abandonnées. Et pour la petite histoire, il est en couple avec sa propre soeur, Kelly ! Le fond du fond. Un soir, tous les trois partent sur un nouveau coup et Tyler à beau traîner des pieds, difficile de refuser. Sauf qu'ils débarquent dans la mauvaise maison : la propriétaire rentre pendant leur cambriolage, Barry lui donne un coup de couteau. Et il se trouve que cette femme est l'épouse de Deke Holt, un des parrains de la ville. L'angoisse grimpe d'un cran, la mère de Tyler fait une overdose. Il la sauve grâce à sa nouvelle petite amie. Les Holt, eux, commencent à promettre une prime à tous ceux qui auraient des informations sur cette fameuse nuit.
L'engrenage de Voyous est franchement réussi, avec cette situation inextricable quand Barry commet l'irréparable mais dans laquelle Tyler est piégée jusqu'au cou. C'est sa loyauté qui est désormais en question. Le lien familial. Bien entendu, le lecteur n'est pas dupe et il comprend vite que la relation Tyler-Bean est plus solide que la relation Tyler-Barry. Sauf que cette dernière repose sur la menace, l'intimidation. Et c'est comme ça que Doug Johnstone la joue très bien. On peut être plus circonspect sur la romance entre Tyler et Flick, lui, le pauvre garçon des cités et elle, jeune fille aux parents prospères, même si le tableau n'est pas non plus idyllique. Il y a quelques clichés qui ne sont toutefois pas rédhibitoires tant le roman repose sur une vraie tension et sur une belle pourriture comme Barry. Doug Johnstone a publié une petite dizaine de romans chez lui, à voir si les autres seront traduits par ici.
Voyous (Breakers, trad. Marc Amfreville), ed. Métailié, 303 pages, 22, 50 euros