Littérature noire
3 Juillet 2023
Du solide, du qui tient au corps. W. R. Burnett (Little Caesar bien sûr, mais aussi, entre autres, le violent western L'escadron noir) écrit Good-bye Chicago 1928 quelques mois avant de passer l'arme à gauche et c'est une beauté immense, d'une effroyable violence aussi.
Joe Ricordi est un sous officier sérieux, intègre, de la police de Chicago, dévolu aux tâches administratives, suivi des dossiers, application des règlements, qui lui vaut les louanges de ses supérieurs. Mais ce jour-là, le ciel lui tombe sur la tête : Helga, l'amour blond de sa vie, la femme qui l'a quitté il y a trois ans vient d'être retrouvée, morte dans le lac. Assassinée. C'est un ancien collègue de promo de l'école de police, Dave Santarelli, qui vient lui apprendre la mauvaise nouvelle. Lui promettant de tout faire pour retrouver le ou les coupables. Très vite, les soupçons se portent sur un mac italien, Ted, lié au puissant clan mafieux de la ville. Les policiers de Chicago débutent une série d'interpellations massives qui sèment la panique dans le Milieu, incapable alors de faire fonctionner correctement le business. Ted devient autant recherché par les forces de l'ordre que par ses "anciens" camarades. Tandis que Joe Ricordi obtient des tuyaux par un ami d'enfance, proche du Milieu, William MacReady, alias Bones, avocat de confiance du boss de la ville, sent que le vent est en train de tourner, que l'organisation change de main.
Lorsque Burnett écrit cet ultime roman, il a déjà plus de 80 printemps et n'a plus touché sa plume depuis une dizaine d'années. Pourtant quelle fraîcheur, quel rythme dans les 216 pages de ce Good-bye Chicago. Bien sûr qu'il y a une forme de mélancolie du vieil auteur se souvenant de sa jeunesse dans la Wind city, des gangsters de l'époque. Mélancolie ne signifie pas pour autant nostalgie et Burnett sait raconter la folie des maquereaux, l'ultra violence des caïds mais aussi la corruption de la police ( "L'année précédente, à savoir 1927, environ trois-cent-cinquante gangsters avaient été liquidés. mais il n'y avait eu qu'une seule inculpation pour meurtre ") Ce n'est pas un hasard si ses deux personnages principaux sont des flics, l'un foudroyé par la mort de sa femme infidèle, l'autre, soucieux de rendre la justice pour son collègue. Mais cet auteur, à la technique impressionnante, sait dresser une galerie incroyable de personnages secondaires, de Ted, demi-sel en fuite, à Dago Al, l'ami encombrant de Ricordi, en passant par un toxico spécialiste des tuyaux.
Avec une économie de moyens, W. R. Burnett parvient à saisir les caractères, à les resituer, à faire un peu d'histoire sur la pègre italienne et, finalement, à raconter une histoire de flingues, de femmes, de crimes. Du vintage cinq étoiles.
A signaler, la géniale préface de Benoît Tadié, universitaire spécialiste du roman noir américain
Good-bye, Chicago 1928 (Good-bye, Chicago, trad. Rosine Titzgerald, révisée par Marie-Caroline Aubert), ed. La Série Noire, 216 pages, 17 euros