Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
The killer inside me

Littérature noire

Trinités : la bombe de Nick Tosches

Attention chez d'oeuvre ! Sorti en 1996 en France, Trinités demeure un des romans les plus fouillés, les plus sauvages, les plus ambitieux sur la mafia moderne à New-York. Loin de tout romantisme, loin des clichés, le livre de Nick Tosches combine autant la recherche pragmatique d'un Don Winslow que la violence scénarisée d'un John Woo. Mais au-delà, l'auteur de Night Train parvient à développer avec une infinie minutie la psychologie de ses personnages, que ce soit des chefs de guerre dans la jungle birmane, ou des vieux capo dans les collines siciliennes. Sans parler de Johnny de Pietro.
Lui est un simple employé de Novarca, la florissante entreprise de gestion des déchets du New-Jersey, tenue par son vieil oncle Giuseppe dit Joe. Johnny, ancien alcoolique, tente avec sincérité de recoller les morceaux de son couple effrité quand le tonton lui demande s'il est prêt à s'engager dans " le contrôle du commerce de l'héroïne à sa source "... Dans ce milieu des années 90, les derniers mafiosi en vie en ont assez de se faire marcher sur les pieds et déclare une guerre non pas des gangs mais entre les grandes puissances du narco-trafic. Johnny accepte et voilà que le monde de l'héroïne connait une vague d' "accidents" improbables : les doses sont empoisonnées causant des milliers de morts, des mules explosent dans les vols qui les transportent du Nigéria aux Etats-Unis, les cafés des triades de New-York sont attaqués et là aussi on compte les cadavres. Le marché est en roue libre et c'est ce moment que choisit Giuseppe pour envoyer son neveu et son fidèle ami Louie Bones négocier en direct avec les omnipotents fournisseurs de Hong-Kong.
Trinités est un vertige. Des palais birmans, à Bangkok, jusqu'aux casinos de Macao et surtout la cantine de la 116e rue et ses calamari de printemps, juste tendres comme il faut. Dans Trinités, il est question de trafic international d'héroïne, mais aussi de sexe, tarifé ou pas, de bouffes monumentales, de loyauté et, il va sans dire, de vie et de mort. Le roman ne prétend pas, à l'inverse de l'oeuvre de Winslow, s'appuyer sur des documents véridiques, sur des fiches CIA ou DEA, mais il n'en contient pas moins d'authentiques histoires, notamment sur le développement du crime organisé en Orient, à travers par exemple la fameuse Bande Verte. D'ailleurs Trinités est un roman sur la pègre new-yorkaise comme sur le milieu chinois et ses multiples ramifications, politiques ou pas. 
C'est donc d'une densité folle, qui s'orne, avec Johnny, des atours d'une aventure ambigüe puisque le lecteur en vient à prendre fait et cause pour ce voyou montant, au demeurant sympathique et courageux, mais prêt à répandre sa came dans les rues de l'Amérique, sans sourciller. Car après tout, comme lui a dit son oncle, le monde est déjà un enfer.
Trinités, c'est de la bonne, de la pure. De cette littérature qui vous téléporte dans un palace oriental à manger des yeux de poisson ou sur les ponts d'un cargo rouillé à bronzer en caleçon.

Trinités (Trinities, trad. Elizabeth Guinsburg), ed. La Noire, 489 pages, 10 euros d'occasion
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
T
Non, non, c'est sur les réseaux sociaux que l'on en parlait et je l'avais dans la pile...
Répondre
W
Je l'avais noté suite à sa citation dans Shit ! Est-ce que c'est ce qui t'as incité à le lire ?
Répondre