Littérature noire
11 Août 2023
Chez les Burroughs, on a la violence dans le sang. Depuis Cooper, au moins, le grand-père, chef du clan à la fin des années 40. Et puis essentiellement avec son fils, le psychopathe Garreth, teigne irascible qui développa le business de came lancé par son pater. Dans cette cascade de bonne engeance , dans les années 2000, c'est Halford qui a repris les rênes de ce qui est devenu un puissant et organisé gang des montagnes de Géorgie du Nord. De l'herbe des débuts, on est passés à la méthadone, dans des labos difficilement détectables sous les grandes futaies. Mais, car il y a un mais, toute famille a son vilain petit canard. Et chez les Burroughs, c'est Clayton, le plus jeune des frères qui a choisi, ô sacrilège, de devenir shérif du comté de McFalls. " Un flic dont le principal but était de racheter l'âme d'une famille qui s'était habituée à ne plus en avoir. "
Parce que pour Clayton, si l'enfance n'a pas été de tout repos, l'âge adulte l'est encore moins. Il ne peut décemment rien faire contre le gang de Halford. Quand les fédéraux ont essayé de s'y attaquer, c'est son autre frère, impliqué jusqu'au cou dans le trafic, qui est tombé, sans que cela n'effrite la domination du business Halford. Et aujourd'hui, voilà qu'un nouvel agent, Simon Holly, se présente à Clayton pour lui assurer que le noeud autour du cou de son grand frère est prêt. Sauf que c'est la contrebande d'armes, immense, qui intéresse d'abord les autorités. Le deal est le suivant : le trafiquant d'armes est arrêté, Halford témoigne contre lui, lâche la came et il ne passe pas un jour en taule. Dans le cas contraire, c'est la foudre du FBI, de l'ATF (alcool, tobacco, firearms) et de la DEA qui va s'abattre sur les montagnes. Sauf que cet agent a un autre mobile, plus personnel.
Ce Bull Mountain est remarquable de vice, de crasse, de méchanceté. De ce fameux rural noir, bien épais, lourd mais illuminé par une intrigue fabuleuse, un brin shakespearienne. Brian Panowich prend son temps pour exposer l'histoire de cette famille, faite d'hémoglobine, de femmes battues, d'enfants élevés comme des loups. Bien sûr, la grande trouvaille, c'est ce personnage de Clayton, son idéal, sa fragilité, ses tourments, incapable de se libérer, c'est bien naturel, de son attachement à son nom, à son frère, à sa terre. Comme lui dit un personnage " c'est ton grand-père qui a lâché les démons sur cette montagne e c'est pas un génie qu'on peut remettre dans sa lampe. " Brian Panowich a par ailleurs un vrai sens de la mise en scène, que ce soit pour la scène d'ouverture, véritable genèse du gang, la scène de Garreth avec la call girl au motel, sans oublier la pétarade finale, façon Clint Eastwood dans Impitoyable. Un vrai bon roman noir américain.
Bull Mountain (rad. Laure Manceau), ed. Babel/Actes sud, 325 pages, 8, 70 euros