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The killer inside me

Littérature noire

La mer de la Tranquillité : quand la Terre sera invivable

Il y a un accroc dans le temps. Comme un parasite sur les ondes, une rayure sur un verre de cristal. A différentes époques, de 1912 à 2401, ce moment fait trembler les certitudes : l'apparition d'un grand érable, d'un moyen de transport, un air de violon, le tout dans un grand swooosh ! En 2401, justement, l'Institut du Temps, capable d'expédier des fonctionnaires dans des époques précises pour étudier nos aïeux, sans, surtout, intervenir, aimerait régler cette anomalie. Zoey, cadre physicienne de l'Institut, décide de confier à son frère, novice à peine engagé, la résolution de l'anomalie. Depuis la Lune, où les Hommes ont implanté leurs premières colonies, l'Institut va chercher à comprendre la source du grand woooosh.
L'oeuvre d'Emily St.John Mandel est marquée depuis ses débuts par un style cristallin, épuré et délicat mais aussi par des intrigues cérébrales, parfois philosophiques. Depuis qu'elle s'est éloignée du roman noir, l'autrice s'interroge à la fois sur la condition humaine et l'avenir de l'Homme sur cette planète. La réflexion se poursuit donc avec La mer de la Tranquillité, récit autant de science-fiction que d'anthropologie. Parce que finalement, de science-fiction, il n'y en a pas tant que ça, Emily St. John Mandel refusant d'expliquer technologiquement la vie sur la Lune ou le voyage à travers le temps. Pas question ici de physique quantique ou de photons. Pourtant, c'est bien le très loin futur qui s'offre ici avec une civilisation humaine froide, désincarnée. Roman d'une belle complexité, raccrochant différentes époques entre elles (ces pages sur une autrice noyée sous la promotion de son livre), La mer de la tranquillité fonctionne grâce à cette incroyable structure narrative mais aussi avec ce personnage de Gaspery, frère candide et sensible, un brin perdu dans cette enquête spatio temporelle. Et il y a bien entendu ce côté politique, " l'immigration dans la colonie suscita un vif intérêt. La Terre était alors extrêmement surpeuplée et nombre de régions en avaient été rendues inhabitables par les inondations et la chaleur. "
Le roman demeure assez inclassable, mais comme le reste des romans de la Canadienne, toujours à cheval entre deux genres. Celui-ci pourrait faire hurler les fans de science-fiction ou ceux de polars. Il n'empêche qu'il a une ambiance unique, un point de vue culoté et un style, encore une fois, rare.

La mer de la tranquillité (Sea of tranquillity, trad. Gérard de Chergé), ed. Rivages, 295 pages, 22 euros
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