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The killer inside me

Littérature noire

M, les derniers jours de l'Europe : quand le Duce mène son peuple à l'abattoir

C'est gigantesque. Mais que nul ne se laisse impressionner par les 420 pages de ce troisième tome du journal de Benito Mussolini, M, Les derniers jours de l'Europe. Après M, l'enfant du siècle, et M, l'homme de la providence, l'auteur Antonio Scurati aborde les prémices de la Seconde Guerre Mondiale, de mai 1938 à juin 1940. Comme à son habitude, Scurati marche dans les pas du Duce, l'accompagne en train lorsqu'il rend visite à Adolf Hitler, le suit quand il va skier, l'observe quand il reçoit sa maîtresse. Si ce n'est du jour par jour, ce roman historique cadence ses chapitres mois par mois, dans un crescendo étouffant, dramatique. Parce qu'il ne s'agit pas seulement de raconter l'histoire par les yeux de Mussolini. Dans le premier tome, le lecteur se campait dans l'ombre de Leandro Arpinati, fidèle des premiers jours du fascisme. Et puis il y avait aussi Italo Balbo, autre compagnon de route du Duce. Dans le deuxième tome, c'était l'infâme Rodolfo Graziani ou Augusto Turati. Dans ce troisième volet, pour mieux décrire l'Italie fasciste, mieux comprendre surtout le paysage politique ou social, c'est Renzo Ravenna qui est introduit : lui aussi fasciste de la première heure, podestat de Ferrare. Mais à l'heure des lois raciales - inscrites uniquement pour plaire au Führer - le voilà destitué, renvoyé et ses enfants retirés de l'école. C'est le même sort qui attend Margherita Sarfatti, déjà présente dans les précédents tomes, ex maîtresse du dictateur italien, muse également, et désormais préoccupée par sa survie. Surtout, Les derniers jours de l'Europe se concentrant sur la diplomatie à l'oeuvre en ces années-là s'attache à Galeazzo Ciano. Ministre des Affaires étrangères mais aussi (avant tout ?), gendre de Mussolini, il se révèle d'une incompétence et d'une lâcheté rares, expliquant en partie aussi la tragédie vers laquelle se dirige son pays. Parce que le lecteur est saisi, ici, par la folie du Duce, sa volonté à la fois d'apparaître comme un négociateur pour la paix et un vrai allié du Führer. Oui, le Duce joue sur les deux tableaux jusqu'au bout. Et pour cause, sa pitoyable armée est juste capable d'envahir l'Albanie. Un conflit contre la France ou l'Angleterre ? Ce n'est matériellement pas possible. A moins que l'Allemagne fasse le job. "L'Italie fasciste n'est pas prête à se battre et elle ne sera pas non plus totalement prête à mener des opérations avant 1945. "
Le travail de documentation d'Antonio Scurati est phénoménal :  extraits de journaux intimes, de discours, de conversations téléphoniques, de mémoires, de procès-verbaux, de livres de souvenirs, de journaux. Et tout cela mis en musique avec, presque, un côté documentaire. Presque car si l'auteur napolitain colle aux faits, il reste un écrivain et parvient à imposer son style, à glisser du sentiment (oui, c'est possible), dans ce tourment historique.
Cette série est sans problème l'une des plus puissantes et des plus exigeantes de ces dernières années. Et se lit comme le plus terrible des romans noirs. Par la même occasion, elle fait oeuvre utile et dans ce troisième volume, on voit aussi à quel point Benito Mussolini fut loin d'être un héros, loin d'être un homme courageux mais toujours plus le bourreau de son peuple.

M, les derniers jours de l'Europe (M, gli ultimi ghjorni del'Europa, trad. Nathalie Bauer), ed. Les Arènes, 420 pages, 24, 90 euros
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