Littérature noire
20 Octobre 2023
C'est une drôle d'histoire que la publication de ce Hondo. Et c'est Hubert Prolongeau, journaliste et romancier, qui la raconte en postface de cette réédition dans la collection L'ouest, le vrai, chez Actes Sud. Ce roman est ainsi d'abord une nouvelle de Louis L'amour, L'offrande de Cochise, parue dans un magazine US en juillet 1952. Alors au sommet de son art (même si tout est relatif), John Wayne achète le texte et demande à James Edward Grant d'en faire le meilleur scénario possible. Après un vrai travail d'écriture, le scénario est prêt et il ne reste plus qu'à tourner, sous la direction de John Farrow, un film, du même nom qui décrochera en 1954 deux Oscar pour la meilleure histoire originale et la meilleure actrice dans un second rôle (Geraldine Page). Dans le même temps, Louis L'amour reprend le scénario, le novellise et en tire donc bien plus qu'une nouvelle... les chemins de la littérature sont parfois si curieux.
Et à lire le roman aujourd'hui, pour ceux qui n'ont pas oublié John Wayne (et quand on a plus de cinquante ans difficile d'effacer les Dernière Séance de Schmoll), tout le personnage d'Hondo Lane colle à l'acteur américain. Jusqu'aux clichés évidemment. Le ranger solitaire, costaud, vivant avec un chien semi-sauvage, avare en paroles, roulant ses cigarettes et capable d'emballer une femme abandonnée en un coup de paupière, également respecté des Apaches, adoré des enfants... c'est bon, le scénariste a mérité son salaire. Et inconsciemment le lecteur s'imagine des décors de Nouveau-Mexique en Kodachrome, avec ces couleurs saturées, ces rangs de soldats en bleu très bleu, cette femme, blonde bien sûr, avec une jupe verte très verte. Bref, c'est du cinéma hollywoodien.
A une exception près. Parce que si l'histoire tient quasiment sur un timbre poste (Hondo Lane est un super guerrier, les Apaches sont sur le sentier de la guerre et il va devoir sauver la femme blanche... qu'il a rendue veuve au passage), le rôle du méchant n'est pas si tranché. Là où Hondo est intéressant c'est dans sa vision des Apaches, des Amérindiens. Avec un chef, Vittorio, sauvage forcément puisqu'on est à Hollywood, mais avec de la nuance puisqu'il sait reconnaître le courage de cette femme élevant seule son enfant, le courage aussi de Hondo, évoquant par ailleurs le double langage de l'homme blanc concernant le traité de paix signé plus tôt. Tout le sel du roman est dans ce personnage, bien entendu pas trop développé non plus, mais qui montre une certaine évolution dans ce début des années 50.
Pour le reste, Hondo, est assez caricatural mais, c'est paradoxal, bien troussé avec de belles batailles, des chariots attaqués, des Apaches au galop, de la ruse et du désert. Beaucoup de désert. Bref, 123 pages en cinémascope.
Hondo (trad. Joseph Majault), ed. Actes Sud, 264 pages, 22, 50 euros (avec la nouvelle L'offrande de Cochise)