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The killer inside me

Littérature noire

Lorsque tous trahiront : la fin, froide et boueuse, des collabos

Ah les convictions... Il y a ceux qui les foulent aux pieds pour quelque menue monnaie et d'autres pour sauver leurs fesses. Au début de l'année 1945, sur le lac de Constance, frontière naturelle entre l'Allemagne, la Suisse et l'Autriche, il reste une poignée de soldats et d'officiers nazis, acculés, n'osant rêver d'un retournement de situation. Et puis il y a les Français pétainistes, réunis autour du Corse Simon Sabiani mais surtout Jacques Doriot, créateur du Parti Populaire français, puis de la Légion des Volontaires Français. Fuyant la Résistance et l'avancée des troupes alliées, ils tentent, dans ce paysage alpestre, d'organiser une nouvelle armée, avec l'aide, bien entendu, des Allemands. Mais ce 22 février 1945, " le Chef", Doriot, a été pris dans sa voiture, sous le feu de deux avions britanniques... Sans leader, ces rescapés de la collaboration découvrent que leur patron est tombé dans un traquenard. Quelqu'un a donné les informations sur le trajet de Doriot. Un jeune lieutenant, ancien de la LVF et le dernier à croire à une France sous domination teutonne, enquête sur un opérateur radio, puis chez la SS... et se rend compte qu'il est bien seul.
C'est peu de dire que l'on connaît assez mal ce moment précis de la Seconde Guerre Mondiale, la fuite des cerveaux de la collaboration, ces dignitaires du Pétainisme, persuadés de pouvoir mettre sur pied une contre offensive depuis le lac de Constance. Enfin, persuadés. L'intérêt de Lorsque tous trahiront, c'est justement de montrer à quel point ces hommes sont capables d'un double voire d'un triple jeu, de se rapprocher des Américains pour certains, de de Gaulle pour d'autres. Pierre Olivier, l'auteur, plonge son personnage principal, dans une quête impossible, à la recherche d'une vérité forcément insaisissable puisque, le titre le dit bien, plus personne n'est à ses côtés. Le vice de ce magnifique roman d'espionnage, c'est alors de se sentir tellement proche de ce jeune lieutenant, à l'âme presque pure, mue uniquement par sa foi politique et son aversion du bolchévisme. Inversement, les collabos, les SS, prêts à trahir, ne sont que duperie, faiblesse.  Pierre Olivier ne verse absolument pas dans l'ambiguïté, mais souligne avec une certaine maestria, parce qu'il faut savoir se sortir d'un tel nid de serpents, que l'Histoire n'est jamais aussi simple et surtout aussi jolie que dans les manuels scolaires. Simon Sabiani, par exemple, finira sa vie tranquillement en exil, poussant son dernier soupir en liberté du côté de Barcelone, dix ans plus tard.
Lorsque tous trahiront, rythmé au grès des pénuries d'essence et du froid des Alpes, remet au goût du jour le récit de guerre. De fin de guerre en l'occurrence. Aucune chance de s'ennuyer dans cette solide intrigue, resserrée, tendue par l'imminence de la chute. Et les passages souvenirs de ce lieutenant sur le front de l'Est sont terribles.

Lorsque tous trahiront, ed. La Manufacture de livres, 201 pages, 16, 90 euros
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P
Bonjour,<br /> Je vous remercie pour cette recension fort sympathique !<br /> Pierre Olivier
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P
Il n'est pas opposé à l'idée de vous répondre si vous souhaitez lui poser des questions ! :)
T
Bonjour, de rien, ce roman comble parfaitement mon manque en roman d'espionnage. Mais dommage que l'on n'arrive pas en savoir plus sur l'auteur ;)
I
Bonjour,<br /> Intéressant oui, ce focus sur un épisode méconnu de l'Histoire... sur les "reconversions" opportunistes de ceux qui, pendant la guerre, se sont rangés du côté de la collaboration, il y a l'excellent "Après la guerre" d'Hervé Le Corre, qui se déroule dans les années 50, à Bordeaux.
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T
J'ai découvert Le Corre juste avant avec Les coeurs déchiquetés et Après la guerre a fini de me convaincre que le monsieur était une plume incroyable. Mais ici, la trahison, et le titre le dit, est bien plus au coeur du roman.