Littérature noire
9 Novembre 2023
This is la Castagniccia. Région somptueuse de moyenne montagne, égrainée par des villages aux rues étroites, aux toits de lauze, aux rues en pierres... région autrefois riche de son exploitation des châtaigniers, de tout ce qu'offrait la généreuse Nature et, bien sûr, de ses hommes. Autrefois. Voilà ce qui sous-tend le premier livre de François-Xavier Dianoux-Stefani, Le Chant des Ronces, recueil de dix-neuf nouvelles sur une société comme un Paradis perdu, une terre proche de l'abandon. Une douleur nostalgique, évidemment teintée de poésie, qui prend aux tripes dès les premières lignes de Ripe ventose, déambulation contemplative dans les jardins d'un village vidé de ses âmes. Et l'auteur, grand amateur de réalisme magique sudaméricain, ne se prive pas de faire intervenir, justement, un fantôme, un gardien du souvenir.
L'auteur décline ainsi sa peine et cette fatalité d'une ruralité aux couleurs sepia. Et peint ce sentiment aux couleurs de l'enfance, la sienne sans nul doute, avec des histoires de cabanes, de promenades près des rivières, de bus en panne mais aussi de vidéos, de cinéma, passant des Goonies aux Griffes de la nuit.
C'est la nouvelle Radio Cosmos qui tranche vraiment avec cette nostalgie, en offrant quelque chose de bien plus culotté et original. Ce n'est donc sans doute pas un hasard si la nouvelle qui suit, Trouer des pancartes, est l'une des meilleures du recueil. Engagée, énervée, politique, elle hurle littéralement, " et on aura tenu. Jusqu'au bout. La dernière génération d'un peuple décimé par vos armées et votre toute-puissance culturelle. " Là, les pieds dans le XXIe siècle, François-Xavier Dianoux-Stefani tient son rang. Et encore dans la terrible nouvelle Navara ou Hearts of gold, sans oublier Le bar de l'arbre. Dans ces pages, il raconte une Corse non plus magnifiée ou fantasmée mais bien vécue et donc ardue, parfois triste, parfois follement humaine.
Un premier recueil réussi pour parler tant de la Corse d'hier que de celle d'aujourd'hui. On peut regretter parfois, notamment dans les pages contemplatives, une surabondance d'adjectifs qui laisse peu de place à l'imagination du lecteur quand une description plus à l'os suffirait sans doute. Illustration avec l'usage de cacochyme pour décrire un téléviseur, une bibliothécaire ou une chaîne hi-fi. Un bémol qui ne suffit pas à gâcher le plaisir de ce Chant des Ronces, comme un pont entre deux générations d'insulaires.
Le Chant des Ronces, ed. Omara, 141 pages, 18 euros