26 Avril 2024
Toujours intéressant et même passionnant, ce principe des entretiens au long cours avec des auteurs que l'on aime. Ici, le temps est pris pour entrer dans l'oeuvre, voire pour déplier et fouiller chacun des romans, chacune des envies. "Hervé Le Corre, mélancolie révolutionnaire", déjà par son titre, dit beaucoup de choses.
Alors on peut passer sur certains aspects de l'enfance qui parfois relèvent de l'anecdote, exception faite de ce terrible accident à l'enfance. Mais là quand l'auteur aborde son travail, oui, là on sent que c'est un travail, un vrai, un boulot en somme, en plus du sien, initial, d'enseignant. " J'ai beaucoup de mal avec les titres, alors je puise dans la poésie. La douleur des morts, c'est Baudelaire. Les effarés, Rimbaud. Les titres ne m'arrivent qu'à la fin. Il y en a quelques-uns que j'ai trouvés tout seul, comme un grand. Mais imaginer quelque chose qui ne soit pas redondant et en même temps ouvre sur le texte, ce n'est jamais évident. - C'est important le titre ? - Pour moi, c'est essentiel. Comme disait Gérard Genette, c'est un " seuil ". La première marche par laquelle on entre dans un bouquin. "
L'entretien, mené de main de maître par Yvan Robin, suit la chronologie de l'oeuvre du Bordelais, ses difficultés premières, " je ne suis même pas sûr d'être capable d'en écrire un second... j'ai envie d'écrire c'est tout. " Puis très vite, les thématiques chères à l'auteur sont expliquées, les questions sociales, les violences faites aux femmes et l'histoire. Par le hasard d'une biographie de Lautréamont, va se dessiner L'homme aux lèvres de saphir, une sorte de deuxième naissance d'Hervé Le Corre, cette fois chez Rivages. Tout le passage de l'entretien sur ce roman est particulièrement riche, de la gestation, patiente, au choix du temps des verbes, à la mise en abyme, sans oublier le cheminement jusqu'au bureau de François Guérif, sur les conseils de Patrick Raynal, en partance de chez Gallimard.
" Mélancolie révolutionnaire " se picore plus que se dévore et on se surprend à aller chercher un des livres de Le Corre pour vérifier un truc qu'il vient de dire, un passage que l'on avait oublié. Il y exprime autant ses désillusions, nombreuses, que ses espoirs, minces. Encore une fois, c'est passionnant. Et en le lisant, avec ses convictions, son humilité, on se dit que l'un de ses exploits, c'est bien d'avoir su partager le plateau de La Grande Librairie avec un Sylvain Tesson...
Hervé Le Corre, mélancolie révolutionnaire, Playslist Society, 177 pages, 12 euros