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The killer inside me

Littérature noire

Comptine pour la dissolution du monde : Evenson, seigneur du malaise

" Si la première vision rappelait un nuage amorphe, cette seconde apparition était plus de l'ordre d'un spectre, allongé et très sombre, si obscur que c'était comme regarder dans un puits, à l'exception de deux trous exagérément larges où auraient dû se trouver les yeux. "
Brian Evenson a le don pour distiller le malaise dans son oeuvre, pour provoquer un frisson, d'écoeurement, de peur, de surprise au minimum. L'auteur de La confrérie des mutilés a toute une palette de techniques et surtout une imagination pour offrir du cauchemar à volonté. Et il s'en donne à coeur joie dans cette Comptine pour la dissolution du monde, titre si joliment désespéré. Dans ces 22 nouvelles, publiées au cours des six dernières années par des revues US, Evenson égrène un camaïeu de malaises autour de trois grands thèmes : il y a la science-fiction, comme dans Immobilité et L'antre, avec ce grand silence et des humains seuls face au cosmos, face à un problème intersidéral. Il y a également la schizophrénie et des hommes, des femmes, souvent dans des maisons, des appartements qui n'ont rien de rassurant, qui sombrent tout simplement dans la folie. Enfin, il y a la question de l'identité et cette obsession de la peau, de l'enveloppe que plusieurs personnages investissent ou squattent.
Bien entendu, c'est flippant, poisseux, comme une araignée que vous auriez aperçue dans votre chaussure et qui vient de se planquer vous ne savez pas où, vous vous attendez au pire à chaque page. Sans grands effets gore ou horrifiques. Non juste par une latence, un temps étiré et ces impressions des protagonistes de voir là une faille, ici une tâche, bref quelque chose qui cloche. C'est ça aussi Brian Evenson, cette manière d'introduire une erreur dans le logiciel du quotidien. On adore Ecoulement et son routard paumé dans une maison sordide. Soeurs avec sa fin effet kiss cool ! Menno bien entendu où un homme est persuadé que quelqu'un entre chez lui et dérobe ou bouge ses affaires.
Les fans de Brian Evenson, et il y en a, seront ravis de ces 22 nouvelles, prouvant une fois de plus l'immense talent hors-norme de ce monsieur, sa faculté à provoquer mais aussi à tenter une expérience de littérature.

Comptine pour la dissolution du monde (Song for the unraveling of the world, trad. Jonahan Baillehache), ed. Rivages, 283 pages, 22 euros
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